Perdu dans mes pensées au Kirghizistan

Nous sommes au début octobre lorsque je quitte Och pour le nord du pays. Le temps est bon, un doux soleil brille, et les Kirghizes me sourient.

Les plus âgés sont particulièrement heureux de me voir et de me parler. Je m'arrête exprès pour discuter avec Ali, 83 ans. Son visage est éclairé d'un immense sourire durant toute notre conversation.

Un peu plus loin, c'est au tour de Salem, qui met tellement la main sur son cœur en signe de remerciement qu'on pourrait croire qu'il aura un malaise cardiaque. Mais son sourire troué ne donne que des indices de parfait bonheur.

Ali, 83 ans, portant le chapeau traditionnel kirghize.

Ali, 83 ans, portant le chapeau traditionnel kirghize.

Salem.

Salem.

Partout sur les routes du Kirghizistan, je croiserai des gens à cheval. Des tout petits aux plus âgés, c'est un moyen de transport apprécié et répandu. En voyant un enfant sur son immense cheval dans un village, j'imagine la conversation...

- Mom ! M'en vas chez Steve avec le cheval !
- Ok, tu rapporteras du pain en passant.

Les pommes et les souvenirs

En ce temps de mi-automne, le soleil est chaud et le fond de l'air est froid. J'ai l'impression que c'est une fin de semaine pour aller aux pommes. Je peux presque les sentir, et j'imagine le fromage d'Oka et le pain de boulangerie en même temps. Pensées dangereuses pour un estomac en manque de nourriture occidentale.

Je me perds souvent dans mes pensées lorsque je roule. Et cette température me rappelle de façon douce amère ma mère, partie trop rapidement il y a quelques années. Elle avait toujours si hâte que l'été arrive qu'elle sortait dehors au premier soleil de mars, se faisant croire qu'il n'était pas trop tôt pour porter des shorts. Collée contre notre maison de campagne pour se protéger du vent, elle lisait à l'extérieur, parfois aidant un peu les rayons du soleil avec une couverture.

Ce voyage en est un de plusieurs kilomètres autour du globe, mais aussi à l'intérieur de moi-même.

Je n'ai pas peur

La plus grande raison d'appeler ce voyage Le bon monde est afin de répondre plus facilement à une question que j'ai eue si souvent dans les dernières années : « Tu n'as pas peur ?! ».

Mon ami Mathieu, qui m'a joint en Géorgie et en Azerbaïdjan l'été dernier, me racontait cette conversation avec des amis à son retour. On lui posait des questions sur où on passait nos nuits.

- Tu campais où?
- Sur le bord de la route
- T'avais pas peur?
- De quoi?
- Ben, qu'on t'attaque...

Et Mathieu de leur répondre avec la question inverse.

- Camperais-tu au Canada?
- Oui.
- Attaquerais-tu un campeur au Canada?
- Ben non.
- Pourquoi ça serait différent ailleurs alors?
- Ben tsé... ces pays-là...

Justement. Je ne me suis jamais senti autant en sécurité que dans « ces pays-là ». Expression qui englobe généralement tous les pays sur lesquels on ne connaît pas grand-chose. Ces pays dont les habitants ne voient bien souvent que très peu de touristes, et qui accueillent chacun d'eux comme s'ils étaient de la famille. 

En fait, c'est rendu plus que facile de camper n'importe où au Kirghizistan. S'il y a un fermier ou un habitant, je lui demande si je peux planter ma tente. Et l'on me remercie pratiquement d'avoir choisi leur terrain. Autrement, je ne fais que m'installer, et le plus souvent, quelqu'un arrivera éventuellement pour m'offrir du thé, des fruits, ou même à venir chez eux.

Et les gens ne se formalisent pas de voir un cycliste camper dans un champ. Je vois passer chaque matin des bergers avec leur troupeau. On se salue, on échange un sourire, et la vie se poursuit sans stress.

J'écris ces notes de ma tente lorsque j'entends siffler. Je me retourne et il y a un officier de police en uniforme à dix mètres en arrière de moi. Mais comme pour prouver mon point, la conversation est courte et efficace.

- Touriste ?
- Oui.
- Tout va bien ?
- Oui, je me dirige vers Bichkek.
- Ok parfait ! Bonne nuit !

Les uniformes

Je reviens à « ces pays-là ». Le Kirghizistan n'est pas un pays riche. Le sont encore encore moins les précédents Stan que j'ai traversés. Et pourtant, dans tous ces pays, beaucoup d'écoliers portent des uniformes particulièrement jolis, même dans les région très rurale.

On dirait bien souvent des petits adultes, mais dans des environnements où les adultes eux-mêmes ont ne sont pas si bien habillés. Au Kirghizistan, on ne peut passer à côté des immenses et charmantes boules de dentelles aux cheveux des filles, mais surtout des kalpaks, le chapeau officiel kirghize chez les garçons. Blanc chez les adultes, il est rouge pour les plus jeunes.

On dit qu'il existe plus de 80 types de kalpaks, variant autant selon les territoires que pour célébrer divers événements ou identifier une certaine hiérarchie parmi ceux qui les portent. Généralement en feutre, un spécialiste nécessite environ deux heures pour en assembler un.

Et dans ce pays d'Asie centrale, le kalpak est probablement au moins aussi populaire que notre casquette nord-américaine. Je pense en rapporter un et tenter de débuter cette mode au Québec !

Un écolier kirghize, avec son chapeau officiel, le kalpak.

Un écolier kirghize, avec son chapeau officiel, le kalpak.

Des écolières kirghizes.

Des écolières kirghizes.

Tout à mes photos, mes réflexions et à la belle température, je n'ai alors que du plaisir à rouler au Kirghizistan.

Jusqu'à ce que je commence à gravir les véritables murs que sont les chaînes de montagne du centre du pays. À suivre dans le prochain chapitre!