Le problème avec les Français

Il y a une dizaine d’années, lorsque j’ai déménagé d’Ottawa à Montréal, la première chose que j’ai remarquée était que les gens que je croisais me regardaient maintenant dans les yeux plutôt que de baisser le regard vers le trottoir. J’ai eu la même impression du moment que je suis débarqué à Dieppe, en France.

Mon chemin parcouru à date. Un peu moins droit que prévu!

Mon chemin parcouru à date. Un peu moins droit que prévu!

Et ce n’était pas un hasard. Partout en chemin, en ville, sur la piste cyclable, la route, les Français me saluent d’un franc « bonjour ». Contrairement à la réserve britannique, les Français sont avides de questions sur ma destination, mon équipement, mon itinéraire passé, et mes motivations.

Me faire inviter chez les gens n’a pas été un problème au pays des Louis, même que j’ai dû refuser à quelques reprises des invitations, ne souhaitant pas m'arrêter de rouler en milieu de journée!

La France m’est aussi apparue comme le pays des pistes cyclables. Suivant des canaux fluviaux, d’anciennes voies ferrées ou en bordure des routes, s'y déplacer en vélo est un charme. À mon premier après-midi sur le continent, c’est d’ailleurs sur une piste cyclable que j’ai rencontré Véronique et Christine. Elles m’ont abordé, croyant que j’étais un des nombreux cyclistes britanniques à faire le nouvellement populaire aller-retour Londres-Paris. Après quelques minutes de conversation, et réalisant que j’étais encore plus cool que prévu (!), Véronique me donne son adresse à Forges-les-Eaux, et m’invite chez elle et son conjoint Olivier pour la soirée.

Sur place, mon étonnement fait place à de l’excitation quand je constate qu’on m’offre ma propre chambre dans une incroyable résidence. Cette soirée sera à l’image de mon périple en France. Je m’y sens à la maison et je dois pratiquement me retenir pour ne pas m’établir dans le village.

Véronique, à Forges-les-eaux.

Véronique, à Forges-les-eaux.

Forges-les-Eaux, Normandie.

Forges-les-Eaux, Normandie.

Se faire inviter à l’improviste chez quelqu’un de totalement inconnu est un événement assez spécial. De Véronique, que je ne connaissais pas quelques heures plus tôt, j’apprends qu’elle est paysagiste en Provence, où elle a habité longtemps, et où elle fait encore la navette. Le couple m’invite même en Provence où ils ont un pied-à-terre, mais si j’accepte tout, je n’arriverai au Vietnam qu’en 2023 !

Poursuivant ma route, je cogne à la porte du gîte Le Clos Florésine à Venette, juste avant Compiègne, demandant si je peux planter ma tente sur leur terrain. Martine et Bruno m'accueillent à bras ouverts, « à cause de mon sourire » de dire Martine! J'y resterai finalement pour trois repas, en plus de me faire couper les cheveux par Martine et d'avoir plusieurs belles conversations avec eux sur réaliser ses rêves et sa vie. Martine est par ailleurs conseillère municipale. Je constate alors la complexité de la vie politique française. Venette compte 3 000 habitants, et 21 élus !

Le gîte de Martine et Bruno est une maison familiale depuis plus de cinq générations. Bruno me dit que depuis ses débuts, cette maison en est une ouverte et que tous y ont toujours été bienvenus. Des soldats français y sont même demeurés lors de leur passage à pied durant la Grande guerre!

Martine et Bruno, à Venette.

Martine et Bruno, à Venette.

Le Clos Florésine, maison familiale depuis cinq générations.

Le Clos Florésine, maison familiale depuis cinq générations.

Je remarque au fil des rencontres que les Français sont conscients de la mauvaise réputation que les Parisiens leur donnent à l'étranger. Un peu chialeurs, pas accueillants. Alors ils font tout ce qui est possible pour montrer que ce n'est pas vrai. Les Français que j'ai vu me sont au contraire apparus doublement polis, accueillants et attachants. Mission accompli pour eux !

Stéphane, à Vouziers.

Stéphane, à Vouziers.

Après Venette, je poursuis ma route vers l'est et traverse Reims. C'est là que je rencontre Stéphane, qui y a le camion de bouffe le plus propre que tu puisses imaginer. Parle, parle, jase, jase, Stéphane m'invite chez lui pour le lendemain puisque je dois passer près de chez lui, à Vouziers, où après avoir habité à plusieurs endroits en France, il est revenu s’établir.

Après de très mauvais choix de routes, où je m'écrase de mon long dans un lac de glaise, et que mes roues cessent de rouler, enlisées dans la boue, j'arrive chez lui. « Tu es plus sale qu'hier, Jonathan ! » dit-il en m'accueillant.

 Sans même que je puisse le retenir, il se met à laver mon vélo et mes sacoches, alors que sa conjointe Sandrine prend en charge mes vêtements. Je décide que finalement, je ne suis pas si pressé de repartir et passe la soirée là. Le lendemain, j'ai droit à un incroyable lunch de sa part. Mon burger à 9€ était définitivement un incroyable placement : hébergement, nourriture, lavage, et un ami.

Je continue ensuite ma route vers l'est, direction le Luxembourg. Christiana, avec qui j'ai étudié à l'Université de Montréal et qui est maintenant une avocate big shot au Luxembourg m'y accueille. Elle sort un jeu de tarots pour voir ce que mon voyage me réserve. Ma première carte dit quelque chose comme « Fais confiance à la vie. ». C'est noté !

Martine et François, à Beauvais.

Martine et François, à Beauvais.

Vers le sud, viennent ensuite les villes de Metz, Nancy et Strasbourg. En chemin, je continue de rencontrer des gens de plusieurs façons différentes. Un policier municipal m'arrête pour me parler vélo durant une heure, et des passants me saluent et me parlent, en ville comme en campagne. À quelques reprises, c'est mon besoin de remplir mes bouteilles d'eau qui m'amène plus que prévu. 

Ce fut le cas à Beauvais dans un café, où Martine et François m'invitent à leur table pour un chocolat chaud. Le serveur finit par aussi prendre place, et peu de temps après, tout le café écoute mon histoire en posant ses questions !

Un peu avant Metz, vers la fin de la journée, j'arrête aussi dans une brocante pour la même raison. J’entends du bruit à l’arrière-boutique et je vois qu’il y a environ 8 personnes qui causent. Naturellement, je les rejoins. Jean-Pierre et sa fille Aurore m’invitent chez eux pour la soirée. Et le lendemain je visiterai Metz avec un autre comparse de la brocante.

Mais quel est le problème?

Le problème, vous l'aurez deviné, n'en est pas vraiment un... À cause de leur gentillesse, de leur accueil, de leurs offres, j'ai pris quelques détours, totalisant environ 300 km, et qui ont retardé mon itinéraire prévu. Bref, le problème des Français est qu'ils sont trop accueillants !

Thonne-les-Prés, en Lorraine.

Thonne-les-Prés, en Lorraine.

Ma traversée d'une petite partie des Vosges, entre Nancy et Strasbourg.

Ma traversée d'une petite partie des Vosges, entre Nancy et Strasbourg.

Avec tout ceci, je suis arrivé à Bâle, en Suisse, où j'ai pris deux jours de repos. Je repars vers l'est pour Zurich, puis l'Autriche et le reste du bon monde. J’espère que les autres pays seront moins accueillants pour que je puisse me rattraper... j'ai mon frère à rencontrer en Bulgarie dans un mois !