L'ascension (et la descente) du mont Fuji

L'ascension du mythique mont Fuji au Japon en vaut la peine. Ne serait-ce que pour l'extravagante descente !

L'ami Louis et moi au départ du sentier.

L'ami Louis et moi au départ du sentier.

Je sors les bras beaucoup trop pleins de victuailles de l'épicerie de la petite ville située au pied du mont Fuji. Je suis à pied pour ce petit voyage au Japon. Et je réalise que c'est beaucoup plus lourd de tout traîner sur mon dos plutôt que dans des sacoches de vélo. J'aurais dû penser à cela avant de réserver un hôtel à 2,5 km de la gare !

La nuit est confortable, bien que courte, dans la chambre typiquement japonaise composée uniquement d'un petit matelas posé à même le sol fait de tatamis. Dès l'aube, je me retape le même trajet à l'envers pour rencontrer mon ami Louis qui arrive en autobus. Mon pote du secondaire habite le Japon depuis déjà une douzaine d'années. Il a rencontré une jolie Japonaise durant ses études à McGill, et l'a suivie. Ils sont aujourd'hui mariés et sont parents de deux adorables fillettes. Il est si bien intégré à sa culture d'adoption qu'il a terminé une maîtrise en linguistique à une université japonaise, et il enseigne maintenant à ce niveau. Il m'avoue même que si ce n'était du miroir dans sa salle de bain, il en oublierait presque qu'il n'a pas lui-même les traits japonais.

Comme beaucoup de ses nouveaux compatriotes, mon ami rêve de grimper le mythique volcan Fuji depuis son arrivée au pays. Il m'en parle même depuis quelques années. Mais la saison est courte et le mont ne se conquiert que de juillet au début septembre. Habitant présentement « proche » (la Malaisie est à 7h de vol quand même !), j'avais donc prévu notre excursion pour la dernière semaine possible.

La montée

Quatre chemins principaux serpentent la montagne de directions différentes. Le plus populaire est aussi le plus court, son départ se trouvamt plus haut en altitude. Louis étant aussi crinqué que moi, nous choisissons plutôt le sentier Gotemba, le plus long mais aussi de loin le moins achalandé.

Un autobus local nous apporte du village à la station de départ. Sous l'arche en bois agrémentée de signes japonais, nous débutons notre marche sur le sentier de cailloux concassées. L'inclinaison augmente rapidement et le sol mou se dérobe sous nos pieds. J'ai l'impression de monter la plus grande carrière de roches du monde. Il est incroyable de penser que ces millions de petits morceaux de graviers proviennent en fait de la lave du volcan. Celui-ci est toujours considéré comme actif bien que la dernière éruption date de 1707.

L'angle abrupte et le sol mou de la montagne, perdu sous une épaisse brume.

L'angle abrupte et le sol mou de la montagne, perdu sous une épaisse brume.

En se racontant nos dernières nouvelles, nous passons au travers une épaisse couche de nuages dans ce paysage lunaire dépourvu de toute végétation. La condensation est assez dense pour former de la rosée sur mon poil de bras et dans mes cheveux. Enfin, quelques centaines de mètres avant le sommet, nous atteignons enfin un refuge, où je peux donner du repos à mes tendons fatigués de notre journée de grimpe. Nous avons monté de 2 300 m depuis le matin.

Quelques Japonais à l'extérieur d'un refuge sur la montagne.

Quelques Japonais à l'extérieur d'un refuge sur la montagne.

Les Japonais sont généralement préparés à tous les événements !

Les Japonais sont généralement préparés à tous les événements !

Refuge nocturne

Chacune des pistes qui s'élance vers le sommet compte un ou quelques refuges de fortune. On peut y manger un repas simple mais réconfortant, prendre du thé bouillant et y dormir quelques heures avant d'attaquer le sommet. À 7 500 yens (90 $ canadiens) la nuit, ce n'est toutefois pas donné !

Surtout considérant que la hutte doit bien compter une centaine de lits collés les uns sur les autres. Il n'y a pas d'eau potable, et qu'un peu d'électricité pour la nourriture et une lumière. Et bien sûr – on est au Japon quand même – pour une mince connexion wifi !

Des immenses couvertures sont déposées sur les matelas et s'embarquent l'une par-dessus l'autre. Heureusement, en cette fin de saison, le refuge est loin d'être plein et ne compte qu'une petite vingtaine d'aventuriers de tous âges. Le fait que mon ami ait dû réserver l'endroit en japonais par téléphone a sans doute beaucoup à voir dans le fait que lui et moi sommes les seuls étrangers des lieux.

Immédiatement après souper, tous mes cochambreurs se dirigent immédiatement au lit. À 19h, je suis le seul à ne pas ronfler. Immédiatement à ma gauche se trouve un Louis qui respire fort, et j'ai un Japonais tout aussi proche de l'autre côté. Le manque d'oxygène dans l'air accentue toutes les respirations. Et les couvertures sont si mélangées que dans le noir, je m'endors bientôt sans savoir si je suis sous la même que mes voisins.

Surprise ! Il y a une caméra là !

Surprise ! Il y a une caméra là !

Louis est très satisfait de notre suite nuptiale.

Louis est très satisfait de notre suite nuptiale.

Le sommet

L'inconvénient majeur de voir un lever de soleil est qu'on doit forcément partir dans le noir. C'est donc à 3h du matin qu'on repart avec nos manteaux sur la montagne silencieuse.

Je n'ai pas très bien dormi dans ces conditions difficiles. Le manque d'oxygène ne m'avait pas affecté la veille, mais j'avais de la difficulté à respirer durant la nuit. Et ça continue dans ce début d'ascension. Sous l'éclairage diffus de ma lampe frontale, je cherche mon air et ai des nausées. Ça se passe mieux pour Louis qui ralentit son pas et transporte même dans notre sac commun. Nous arrivons malgré tout juste à temps pour voir poindre les premiers rayons de l'autre côté du cratère vers 4h30.

17-08-31 - Lever du soleil (Fuji, Japon).jpg

La vue au sommet, par-dessus les nuages est incroyable. Derrière nous, encore à leur ascension, se trouve une ligne de marcheurs reconnaissables à leurs lampes frontales. Au loin, de l'autre côté de l'énorme cratère circulaire, s'élèvent de petites ombres des randonneurs qui sont montés par un sentier opposé.

Les lampes frontales des marcheurs approchant du sommet.

Les lampes frontales des marcheurs approchant du sommet.

Il fait néanmoins très froid. Dès le soleil plus haut sur l'horizon, nous reprenons le chemin pentu vers notre refuge et sa chaleur.

La descente

Louis s'excite en descendant !

Louis s'excite en descendant !

Après un petit déjeuner bienvenu à la hutte, c'est l'heure de la descente. Nous faisons quelques kilomètres sur le même chemin que la veille, avant que celui-ci bifurque vers un versant plus pentu. L'inclinaison plonge à près de 35% et le sol y est plus mou que jamais. La côte est ici encore plus couverte d'une grasse épaisseur de gravier. Les pieds s'y enfoncent de presque 20 cm à chaque pas. 

Louis et moi réalisons rapidement qu'il est plus facile de courir en grandes enjambées pour descendre plutôt que d'essayer d'épuiser nos genoux à essayer de se ralentir. En dévalant la pente, j'ai la même sensation magique et euphorisante que de skier dans une profonde poudreuse. Nous parcourons plusieurs kilomètres ainsi, ne nous arrêtant que quelques fois pour vider nos chaussures des cailloux pointus.  Le tiers de la montagne se descend rapidement dans des nuages de poussières. Puis, la côte redevenant moins inclinée, nous reprenons notre souffle pour marcher la dernière section.

L'incroyable paysage autour de Fuji.

L'incroyable paysage autour de Fuji.

17-08-31 - Descendre Fuji (Japon).jpg

Cette petite ascension de deux jours prend déjà fin. Le toujours positif Louis est si heureux qu'il rêve maintenant d'en créer une tradition et d'essayer chaque année une nouvelle piste avec moi. J'ai bien aimé l'expérience mais la Terre est trop grande et remplie d'aventures possibles pour que je m'engage à revenir chaque année au Japon courir dans la roche !

Si l'ascension vous intéresse, voici un lien indiquant comment se rendre sur place. N'hésitez pas à inviter Louis. Comme organisateur, traducteur, transporteur de sac et conteur d'histoires, on ne trouve pas mieux !


 
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