Bosnie partie 1 - Mon ridicule voyage

Tellement d'aventures me sont arrivées en Bosnie que j'ai dû séparer le tout en trois textes. Voici la première partie, où je commence à réaliser la futilité de mon voyage.

Lana, Dalibor, Natasa et Snezna.

Lana, Dalibor, Natasa et Snezna.

J'avais campé la veille à environ une quinzaine de kilomètres de la frontière. C'est donc en matinée que je passe facilement la douane pour entrer en Bosnie-Herzégovine. Je vais du bon côté, il y a des kilomètres d'attente pour en sortir!

En m'éloignant de la douane, je remarque des policiers partout. Ils me saluent tous, visiblement heureux en me faisant des signes de pouce. J'arrête pour parler à l'un d'eux afin de lui demander ce qu'ils font là. Il me dit (en serbe*) qu'ils gardent les routes secondaires menant à la frontière. Je lui fais une face de « ça doit être long! »... il me fait une face de « oui ».

Je m'arrête peu après dans un café et je commence à parler à Lana et Natasa. Peu après, leur ami Dalibor arrive et comme je suis maintenant dans la gang, on part manger ailleurs, puis on se dirige dans un autre café, puis encore se promener. Bref, il est rendu 16h lorsque je recommence à rouler pour sauver ma journée !

Le Cevapi, plat typique, qui est dans le fond un semi-détaché de hot-dogs.

Le Cevapi, plat typique, qui est dans le fond un semi-détaché de hot-dogs.

J'en aurai appris beaucoup durant ces quelques heures. Je constate que le souhait le plus cher de mes nouveaux amis est de quitter leur pays, comme beaucoup de membres de leurs familles et amis ont réussi à faire. Mais ce n'est pas facile. Seulement visiter un pays en touriste requiert la plupart du temps un visa. Je réalise notre chance d'avoir un bon passeport.

L'une des filles a choisi d'étudier en soins infirmiers car c'est ce qu'on cherche dans d'autres pays. L'autre aimerait bien partir aussi mais se sent coupable car elle possède un travail.

Mon travail ne paye pas beaucoup, mais au moins j'en ai un, la moitié des jeunes n'en ont pas.

J'apprendrai plus tard que le taux de jeunes ne travaillant pas est plutôt de presque 60%. C'est le plus élevé au monde ! Mon voyage à vélo m'apparaît soudainement pas mal futile et ridicule face à leur situation. J'ai la pyramide de Maslow en tête.

 

 

Plus loin, voyant des gens à l'extérieur d'une maison, j'arrête pour demander de l'eau. Pas de problème, le patriarche commence alors à pomper sa pompe à eau extérieure. En mangeant des desserts qu'on m'offre, je leur montre mon itinéraire sur mon globe gonflable. Je réaliserai bientôt que c'est aussi à la pompe extérieure que la vaisselle et la toilette se font.

Les gens sont très gentils et généreux avec moi, mais le plus souvent, la barrière de la langue est plus difficile. J'apprends quelques mots ici et là pour essayer d'expliquer mon voyage. Engleska, Vietnam, Yet na godina (un an)...

Ce soir-là, j'installerai ma tente au premier étage d'une maison à vendre, sans qu'elle soit terminée de construire. Tout le long du chemin en Bosnie je constaterai l'abandon d'édifices, souvent sans même incomplets. Certains sont en ruines, d'autres ont l'air encore presque neufs. Il est difficile de connaître exactement ce qui s'est passé pour chacun de ces bâtiments. Beaucoup d'habitants sont sûrement partis très rapidement lors de la guerre dans les années 90, et ne sont jamais revenus. Peut-être certains propriétaires sont-ils décédés et les maisons n'ont jamais été terminées.

Plus tard, j'apprendrai que beaucoup de ces maisons abandonnées contenaient des mines actives après la guerre. « Ça devrait être correct maintenant par contre. », me dit-on.

Réflexions en vrac

  • Je suis légèrement inquiet du fait qu'on commence à me demander combien vaut mon vélo. Plus loin en Bosnie, j'apprendrai que c'est plutôt dû à leur grande curiosité qu'au fait qu'on veuille me le voler.

  • Je me crois revenu dans les années 50. Je vois beaucoup de gens travailler leur parcelle de terrain à la main, couper leur herbe à la faux, et posséder quelques animaux de bétail en laisse près de la maison. La plupart des gens sont assez âgés.

  • Je vois dans le regard des enfants qu'ils trouvent ça incroyable de voir passer un adulte en vélo, et qui visiblement va plus loin qu'au marché. Plusieurs hommes plus âgés me regardent cependant avec un regard de « qu'est-ce tu fais là le jeune, vas-donc travailler à place ». Peu importe, je salue tout le monde également de la main.

  • Les gens fument partout. Hôtels, restaurants, maisons. Autant que possible, je reste dehors.

Une vache comme animal domestique, pourquoi pas.

Une vache comme animal domestique, pourquoi pas.

Une Lada comme auto de police.

Une Lada comme auto de police.

Malgré les abandons de maisons, et les innombrables départs du pays, la Bosnie a beaucoup à offrir et se relève tranquillement de la terrible guerre ayant eu lieu de 1992 à 1995. Je vous parlerai prochainement de cette dernière, de ma traversée du centre montagneux du pays, et de ma visite de la belle capitale, Sarajevo.


*Note : Le serbe, le croate, le bosnien, et les langues des autres pays des Balkans, sont tous des dialectes de la même langue. Le serbe peut s'écrire en cyrillique ou en latin et certaines régions prononcent un peu différemment, mais ils se comprennent à peu près tous entre eux. Pour ma part, inutile de dire que je n'en comprends aucun!