Croatie, ou le début de la pauvreté

Je passe proche de me planter sur le ciment dans la capitale, je rencontre un cycliste de feu, et je passe à la seconde partie de mon voyage.

Juste entrer de la Slovénie en Croatie était plus compliqué. Comme je ne suis pas résident de l'union européenne, on m'a dit que je ne pouvais passer par la petite douane où je m'étais présenté. Le douanier, serviable, m'a donc offert deux options : traverser la frontière via une autoroute à 25 km au nord, où revenir sur mes pas, prendre le train pour entrer en Croatie, et m'y faire étamper en même temps. Le train sera l'option retenue, autant pour sauver du kilométrage inutile que pour m'éviter de rouler sur l'autoroute à vélo.

Zagreb

Avec encore en tête le doux souvenir slovène de Ljubljana, j'arrive donc confiant à Zagreb, la capitale de la Croatie. Première constatation, c'est beaucoup plus occupé et bruyant, et moins charmant. Deuxième constatation, les voies cyclistes sont très loin dans la liste de priorités! Sérieusement, personne ne semble même savoir où les vélos doivent rouler. La plupart filent sur les trottoirs, parmi les passants, d'autres plus rares sont sur le chemin, entre les automobiles et les tramways. Ayant tenté le trottoir sans grand succès, zigzaguant à tous les deux mètres pour ne pas frapper personne avec mes sacoches, je me dis que mon expérience cycliste montréalaise m'a donné assez d'expérience pour rouler dans la circulation.

Erreur.

En plus des pistes de tramways assez larges pour qu'un pneu de vélo s'y coince, d'étranges grosses rainures se trouvent aussi partout dans les rues. Ceci sans compter que les tramways circulent littéralement à comme cinq centimètres du trottoir, donc impossible de rouler en retrait de la circulation. Bref, je me prends en moins de deux dans une des superbes rainures et j'évite de justesse de m'écraser à terre. Je retourne sur le trottoir.

Étrangement, la conséquence de ces vélos aléatoires est qu'aucun passant ne semble stressé par un vélo fonçant sur lui. C'est au cycliste de se tasser et il y a vraiment une connexion visuelle entre les cyclistes et les marcheurs que je n'ai jamais vue ailleurs.

Après la majorité du lendemain à visiter la ville, dont le musée des Broken Relationships que je conseille fortement, je quitte direction sud-est en fin de journée.

Église St-Marc, Zagreb.

Église St-Marc, Zagreb.

Zagreb est aussi une ville où les graffitis sont omniprésents. Et certains sont incroyablement réussis!

Zagreb est aussi une ville où les graffitis sont omniprésents. Et certains sont incroyablement réussis!

Robert et Milka

Robert et sa mère Milka.

Robert et sa mère Milka.

Après seulement une quinzaine de kilomètres, Robert et sa mère Milka s'arrêtent pour me parler. Ils habitent depuis des décennies à Cologne en Allemagne, tout en gardant une résidence secondaire à Zagreb. C'est donc plus facile de se payer deux maisons en travaillant en Allemagne, qu'une seule en travaillant dans les Balkans. Je paraphrase notre conversation trilingue.

- Tu vas où?
- Au Vietnam.
- Nice!
- Et ce soir?
- Je roule jusqu'à ce que je sois tanné. D'habitude je dors dans ma tente, sauf quand des gens m'invitent chez eux.
- Ok... Tu veux venir chez nous?
- Oui.

Comme vous voyez, ma technique s'améliore depuis que j'enlève les fla-fla!

Robert m'apprend que deux semaines auparavant, il a lui-même fait un petit voyage de vélo de six jours... de Cologne à Zagreb. QWAT? Combien de kilomètres ça fait par jour? Entre 210 et 250, qu'il me répond. Et juste pour me faire sentir mal avec mon 50 km quotidien, il a fait ça avec un vélo de montagne! « Mes mains sont encore un peu engourdies du voyage », me dit-il. Pas de misère à le croire mon Robert.

Robert n'est pas seulement un incroyable cycliste, il est aussi un superbe hôte. Milka me fera même un lunch qui me durera deux jours.

La pauvreté

Comme je me dirige vers Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, je ne suis pas le parcours touristique traditionnel de la Croatie qui m'aurait amené vers la Méditerranée. En roulant, je constate que les villages sont généralement plus pauvres. Les maisons sont moins finies, les infrastructures moins développées. Alors que je mange mon lunch dans un arrêt d'autobus, j'ai même la surprise de voir arriver un garçon d'une douzaine d'année qui m'invite à sniffer de l'essence d'un 2L de Coke avec lui. Désolé mon gars, peut-être après ma délicieuse sandwich.

Ceci dit, c'est troublant. Il semble qu'en l'espace de quelques jours, je sois passé dans une Europe totalement différente de celle plus développée à l'ouest. Plus j'avancerai, et plus ceci prendra de l'ampleur. J'imagine que je viens de rentrer dans la seconde partie du voyage. Celle où la vie est plus difficile, où simplement se trouver un emploi est un luxe, et où traverser des continents à vélo pour le plaisir est une folie incompréhensible.