Jonathan B. Roy

View Original

Rouler au bout du monde

Après deux années en Asie, il était temps de passer à un nouveau continent. Je débarque ainsi à Ushuaïa, en Terre de feu argentine, la dernière ville au sud de l’Amérique du Sud, et surnommée la ville de « la fin du monde ». Ça promet ! 

48 heures de déplacement

Et ça n’aura pas été de tout repos pour me rendre. Un premier vol Montréal-Toronto, puis un long Toronto-Buenos Aires. Un peu avant l’atterrissage, l’avion brasse comme jamais avant dans ma vie. Plus un son ne se fait entendre dans la boite en métal, à l’exception du vent à l’extérieur et des moteurs qui semblent forcer de façon étrange. Les passagers retiennent leur souffle à chaque fois que l’appareil perd de l’altitude. Pour la première fois, j’ai le goût d’applaudir quand on atterrit.

Mais je n’ai pas le temps de souffler. Je dois trouver un autobus pour changer d’aéroport, sous la pluie et avec ma boite de vélo en carton. On a beau être en milieu de journée, la circulation de la capitale argentine est effarante. Ça me prend 2 heures pour parcourir la petite trentaine de kilomètres qui séparent les deux aéroports. Et là, je me bute une fois de plus à une étrange bureaucratie où je dois littéralement aller à 3 endroits différents pour enregistrer à nouveau mon vélo. J’arrive néanmoins à ma porte juste à temps pour mon 3e et dernier vol.

Du moins, c’est ce que je crois. Le vol est retardé, puis retardé à nouveau. Dehors, il continue de pleuvoir à verse et les éclairs zèbrent le ciel sombre. J’attends. Pendant 4 heures.

Puis le vol est annulé.

J’apprends que l’attente pour le temps clément a été tellement longue que les agents de bords auraient dépassé leur limite permise de travail en une journée. Cinq vols sont donc annulés au même moment, et tous les bagages reviennent en masse dans différents carrousels. J’attends une nouvelle heure pour retrouver les miens.

Il est rendu 22h, et mon prochain vol est remis à 4h30 du matin. Comme ma boite de vélo est déjà passablement maganée, je décide de simplement demeurer à l’aéroport pour y dormir quelques heures.

Ma boite fatiguée, enfin à Ushuaïa.

Ushuaïa, tout au bout de l’Amérique du Sud.

Mon vol Buenos Aires-Ushuaïa décolle enfin dans la nuit, sous un ciel encore en furie. L’avion bardasse à nouveau mais je suis trop fatigué pour m’inquiéter. Je ne me réveille que quand l’avion atterrit au matin à Ushuaïa. Ça m’aura pris pratiquement 48 heures pour m’y rendre. Décidément, je suis au bout du monde.

Ushuaïa

Avec joie, je retrouve rapidement Freddy, mon ami allemand avec qui j’ai roulé au Tadjikistan et en Birmanie. De son côté, il a déjà roulé plus de deux mois pour se rendre de Buenos Aires à Ushuaïa. La vie quotidienne lui semblait auparavant monotone après avoir roulé de l’Allemagne à la Thaïlande, et il s’était mis en tête de repartir à vélo dès qu’il le pourrait. Sachant que je m’en venais en Amérique du Sud, il a décidé de m’y joindre.

Ushuaïa, la ville du bout du monde.

Freddy a déjà fait des contacts sur place et a réussi à nous faire inviter au « Centro austral de investigaciones científicas » (le CADIC). Le centre de recherches héberge des scientifiques venus d’un peu partout en Amérique du Sud, en grande majorité des femmes. Elles travaillent principalement en biologie marine et terrestre, en archéologie et en géologie. Ces scientifiques étudient l’écosystème sur place, et habitent dans des appartements fournis par le Centre, un peu en retrait de la ville et avec une superbe vue sur celle-ci. Les montagnes au loin portent fièrement des couronnes de neige éternelle sur leurs cimes, tandis que la vallée est remplie de maison de couleurs. J’ai une certaine impression d’être en Islande, mais dans l’hémisphère sud.

Clara, Colombienne qui habite à Ushuaïa pour ses recherches scientifiques.

Dans cet appartement, j’ai la chance de notamment faire connaissance avec Clara, une Colombienne venant des montagnes entre la capitale Bogotá et le Venezuela. Après avoir fait son baccalauréat dans son pays, elle s’est expatriée à Buenos Aires pour sa maîtrise, et maintenant ici pour son doctorat. Elle compte les concentrations de bactéries dans le canal Beagle, tout juste au sud d’Ushuaïa, pour mieux comprendre les courants et la pollution. Par coïncidence, ce projet n’est pas loin de celui de Maria, une autre de nos hôtes, qui elle étudie la pollution dans les rivières passant par Ushuaïa. La ville a beau être un joyau entourant d’une incroyable nature et de nombreux glaciers, elle ne possède pas (encore) de système de filtrations des eaux. Toutes les eaux usées s’écoulent donc directement dans le canal…

De la routine à la route

Mon vélo remonté et l’épicerie faite, c’est le moment d’un nouveau départ. Mais cette fois vers le Nord.

Je passe la journée à enlever et remettre des vêtements : gants, tuque, manteaux et différents pantalons. Il pleut puis fait soleil, il y a de grands vents, et plus du tout. J’ai chaud en montant malgré la température – estivale ! – autour de 5 degrés, et je gèle en descendant.

Mais c’est agréable de rouler. Et de retrouver cette liberté après un mois et demi à la maison à ne me déplacer qu’en automobile.

Le premier col du continent, un nouveau manteau, et le retour des gants de vaisselle !

Freddy et moi croisons en chemin quelques autres cyclistes dans la journée. Des gens qui terminent leur voyage en sens contraire de celui que je m’apprête à faire. Puis nous posons nos tentes dans une cabane abandonnée en bordure du chemin, à l’abri du vent et de la météo. Je m’endors en pensant à tous ces nouveaux paysages et cultures à découvrir... À toutes ces nouvelles histoires à dormir dehors !

La début (ou la fin) de la cordillère des Andes. Ça promet !

L’ami Freddy, toujours aussi rapide !

See this gallery in the original post