Typhon coréen

Je suis au paradis en Corée du Sud. Tout roule bien… jusqu’à ce que le ciel me tombe sur la tête !

J’en suis à la moitié de la distance sur cette fantastique piste cyclable lorsque je me réveille un matin sous une petite pluie fine. Ça va sûrement s’arrêter, que je me dis. Au contraire… non seulement l’eau ne cessera pas de tomber, elle ne fera que s’amplifier sans cesse pour presque deux jours complets.

Je suis dans la queue d'un typhon arrivant du Pacifique !

La pluie vient de commencer dans la vallée…

La pluie vient de commencer dans la vallée…

Ça faisait bien longtemps que je n’avais été pris dans une pluie aussi froide et importante. Je n’ai en fait rien eu de tel depuis l’Europe à mes tous débuts. Et c’est le moment où je réalise que mon manteau imperméable n’est maintenant plus qu’un manteau qui absorbe l’eau… En arrêtant dans une boulangerie, mes doigts sont si gelés que je peine à manipuler ma monnaie.

À la deuxième journée du déluge, je tente donc d’éviter l’hypothermie en m’habillant d’un sac à ordures dans lequel je coupe des trous pour mes bras et ma tête et mes bras. Ça me permettra de garder un peu de chaleur et de ne pas être entièrement transi de la tête aux pieds. Je n’ai pas mes vêtements d’hiver, incluant mes pantalons de pluie ou mes couvre-chaussures. Je les ai tous envoyés de la Malaisie chez un ami au Japon, plus loin sur ma route, pour ne pas avoir à les traîner dans la chaleur des derniers mois. Néanmoins, le sac à vidanges ne s’en sort pas si mal. Et puis, quel look quand même !

La tête mouillée à la fin de la deuxième journée des averses.

La tête mouillée à la fin de la deuxième journée des averses.

Quel look !

Quel look !

Le typhon

Le typhon est le nom donné aux cyclones tropicaux en Asie de l’Est. On les appelle ouragans de notre côté de l’océan. Dans tous les cas, c’est une méga tempête avec pas mal de pluie et de vent. J’ai cependant été assez chanceux avec ce dernier. Un homme de Busan, au sud, m’a plus tard dit qu’il n’avait jamais vu des vents aussi violents de sa vie. Mais quant à moi qui me trouvais en bordure de la tempête, ça s’est surtout limité à (beaucoup) de pluie.

Vous me connaissez : je suis quelqu’un d’assez positif. Je pouvais donc au moins me réjouir d’un avantage de rouler dans autant d’eau : la friction est excessivement diminuée. Ma vitesse moyenne a ainsi beaucoup augmenté durant ces quelques jours. Et j’ai aussi parcouru de plus longues distances puisque je ne pouvais pas vraiment arrêter pour des photos, de peur de noyer mon appareil.

Je roule donc sans arrêt de longues heures. Seul sur la piste abandonnée de tous les cyclistes locaux, plus raisonnables que moi.

Peu après la tempête, sur une route encore mouillée.

Peu après la tempête, sur une route encore mouillée.

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L’après-tempête

La traversée du pays le long de ces rivières débute le long d’un fleuve assez large. On le voit rétrécir à mesure que l’on monte dans les montagnes du milieu du pays, à environ 1000 mètres d’altitude. Puis on se remet à suivre un nouveau fleuve du côté de la descente, qui lui aussi devient de plus en plus large à l’approche de la côte.

Et large ce fleuve était après le typhon !

De nombreuses sections de la piste cyclable sont inondées. Je prends ma chance sur l’une d’elle, mais réalise bien vite que le niveau est à au moins 50 cm au-dessus de l’asphalte. Je dois débarquer et porter ma monture pour une cinquantaine de mètres jusqu’à la prochaine terre ferme.

18-10-06---Coucher-de-soleil-(Namji-ri,-Corée-du-Sud).jpg

Et cela n’est rien ! La journée suivante, avec les rivières et ruisseaux gonflés qui descendent des montagnes et continuent d’enfler le fleuve, je constate que le niveau de l’eau est probablement à au moins 1m50 au-dessus de la piste ! Là, impossible de même tenter de le faire à pied. Je vire vers les routes de montagnes pour quelques détours.

18-10-07---Piste-sous-leau-(Coree-du-Sud).jpg
18-10-07---Pancarte-à-l'eau-(Corée-du-Sud).jpg
Une section sauvée de l’inondation à travers champs.

Une section sauvée de l’inondation à travers champs.

Busan

La piste redevient plus occupée à mesure que j’approche de Busan, ville portuaire et deuxième en importance au pays. C’est aussi là que prend fin ma trop courte traversée de la Corée du Sud.

La ville surprend par son architecture et sa topographie. On y trouve plein de petites collines très abruptes, comme si on avait tiré le sol vers le ciel. J’escalade ou contourne quelques-unes de ces collines me rendre au port de mer, le 9e en importance au monde.

En circulant sur ces routes étroites et pentues, passant devant d’innombrables cafés, j’ai l’impression d’être quelque part entre San Francisco et le vieux Québec. Mais les maisons multicolores jetées un peu au hasard sur ces falaises font quant à elles davantage penser à Rio de Janeiro. L'art est aussi présent à tous les coins des rues de ce labyrinthe urbain. Je vois de grandes peintures de pissenlits fanés, en bleu et blanc brillant sur des poteaux de téléphone. On retrouve le long des trottoirs des tableaux représentant des scènes de vie. Comme cette jeune fille qui grandit à la manière de l'évolution de l'humain en quatre étapes. Tout près, on peut apercevoir un autre tableau où la silhouette d’une autre fille se détache d’une colline. Elle porte un immense foulard qui se transforme en nuages dans un ciel bariolé de couleurs.

Toutes ces couleurs de maisons et de ces peintures égayent la ville. Et apportent une ambiance certainement très éloignée de celle de Séoul, beaucoup plus urbaine, business et en hauteur.

L’éclectique ville de Busan, au sud-est du pays.

L’éclectique ville de Busan, au sud-est du pays.

Vers le Japon

À nouveau je m’embarque sur un traversier pour ma prochaine destination. Sur le bateau, je discute avec Paolo, un Portuguais trapu, très masculin, confiant, couverts de tatouages, et qui travaille dans le domaine pétrolier en Corée du Sud. Il me demande où je me trouve dans mon périple.

– J’en suis à 23 000 km dans 31 pays.
– F*CK OFF !!

Je le prends comme un compliment ! Maintenant, direction Japon, pays numéro 32.