La Géorgie, pays de vaches, de gravelle et de Staline

La Géorgie étant unanimement louangée par les cyclistes voyageurs, j'avais de grandes attentes envers elle. Mais outre que c'est un pays de montagnes, je n'y connaissais pas grand-chose. Voici ce que j'y ai découvert.

Suivant mon facile passage de la frontière géorgienne, je longe la mer Noire pour quelques kilomètres avant d'arriver à Batoumi sous le plus gros orage que j'ai vu de ma vie. L'apocalyptique bruit du tonnerre force même les plus téméraires à rentrer la tête dans les épaules à chaque déflagration. L'eau émerge de partout et les canalisations sont loin de fournir à la demande. Heureusement, j'ai déjà réservé une auberge et je dors au sec.

Vache à la station service.

Vache à la station service.

Lorsque le ciel s'éclaircit, je découvre une ville à l'opposé complet de ce que j'ai connu dans le dernier mois en Turquie. Bien qu'il reste quelques jours au Ramadan, peu s'en formalisent, le pays étant chrétien depuis avant même que l'empire romain le devienne. Ma première impression est que Batoumi ressemble à un croisement entre Las Vegas, Nice et Ste-Anne-de-Prescott.

Il s'agit en effet d'un mélange éclectique d'une immense plage de galets, d'immenses casinos et d'hôtels de luxe, de bureaux de change... et de vaches. À quelques pas des casinos et des femmes pomponnées venues de tous les pays du Caucase, de la Turquie et du Moyen-Orient, on trouve des vaches partout où on regarde. Ici elles broutent dans un parc, là elles sont dans une station-service, un peu partout elles sont couchées dans le milieu de la rue. Ma surprise ne cessera de mon voyage dans le pays, elles sont littéralement partout.

Vaches au parc.

Vaches au parc.

Au final, Batoumi se donne des airs de grandeur avec son hôtel-colisée-de-Rome et d'autres édifices tentant d'allier maladroitement la modernité à un vieux style européen, mais avec ses quelques 160 000 habitants, on a vite fait le tour.

La route du sud

Deux routes sont possibles pour se rendre à la Tbilissi, la capitale. La première suit l'autoroute au nord, la seconde passe par les montagnes au sud. Devinez laquelle je décide de prendre?

La route du sud va être plus scénique.
- Moi-même, le pas smart.

En sortant de la ville, je monte un peu, 250 m de dénivelé positif. Pas si pire que ça, me dis-je. Le lendemain, 750 m, le surlendemain, 800 m. Là je tiens à te rappeler que mon vélo pèse 110 livres avec tout le matériel. C'est lourd.

Mon vélo pèse 110 livres.
- Encore moi, qui se demande à toutes les trente secondes si j'ai une crevaison tellement je suis lent.

Je n'ai pas de crevaison, je suis juste ultra lent. J'obtiens une impressionnante moyenne de 5,9 km/h à ma journée précédant le sommet du col. Plus lent que ça, tu tombes à terre. À ma défense, les 30 km de chaque côté du sommet sont de la grosse gravelle molle. Et je n'ai pas un Land Rover, j'ai un vélo avec des pneus lisses pis des grosses sacoches.

Fac c'était tu plus scénique la route du sud?
- Toi, qui me ramène à mon texte.

Mets-en que c'était beau. Est-ce que c'était difficile? Oui. Est-ce que ça valait la peine et que je le referais. Ultra oui.

La longue montée rocailleuse !

La longue montée rocailleuse !

Camping dans les montagnes.

Camping dans les montagnes.

Les routes sont peut-être dégueulasses mais au moins ils s'en excusent !

Les routes sont peut-être dégueulasses mais au moins ils s'en excusent !

Et puis en plus, sur tout ce chemin, j'ai rencontré des gens qui m'ont encouragé chacun à leur façon. Deux enfants m'ont suivi pour un bout en vélo. Murmani, un vendeur de miel, m'a fait goûter à tout ce qu'il avait sur sa table. Certains me proposaient de m'embarquer dans leurs autos, croyant que ça ne pouvait logiquement être mon premier choix d'être en vélo. Une fille me demande :

- Pourquoi tu voyages seul ?
- Ferais-tu un voyage de même toi ?
- Jamais.
- Pas mal pour ça que je voyage seul, y'a pas beaucoup de crinqués en ligne pour m'accompagner !
La forteresse Atskuri, datant du 10e s.

La forteresse Atskuri, datant du 10e s.

Je ne me doutais pas non plus que la Géorgie possédait autant de châteaux. Mais le pays étant au confluent de l'Europe, du Moyen-Orient, de l'Asie et des empires russe, ottoman et mongol, il n'est pas surprenant qu'ils aient eu à se défendre toute leur existence.

Et découvrir ces châteaux est le plus souvent une surprise puisqu'ils ne pas réellement annoncés ni touristiques. Ayant aperçu la forteresse ci-contre de loin, j'ai dû passer à travers un petit village pour aller la prendre en photo. Et les gens ne semblaient pas comprendre quel intérêt je trouvais au tas de roches situé derrière leurs maisons !

Le musée Staline

Quelque temps après la traversée du col, j'arrive à la ville de Gori, lieu de naissance du dictateur Joseph Staline, qui a régné sur la l'Union Soviétique de 1922 à sa mort en 1953. J'y visite le surnaturel musée lui étant dédié, et fondé par nul autre que lui-même en 1937.

Le musée est littéralement encore figé dans les années 1940-1950, où Staline est pratiquement considéré comme un dieu. Le voici révolutionnaire jeune et séduisant. Le voici en compagnie des grands de ce monde - Churchill, Roosevelt et compagnie. Voici une reproduction de son bureau au Kremlin, et la maison où il est né. Oh, et oui, parce qu'on est obligé de le mentionner, il a aussi tué des millions de personnes et envoyé 24 millions de personnes au goulag sibérien et plus loin, mais bon, il était gentil avec ses enfants et en plus il vient d'ici donc on l'aime bien.

J’apprends aussi que Staline a encore des petits-enfants vivants, aux États-Unis, en Russie et en Géorgie. Naturellement, ils ont pas mal tous changé leur nom de famille. Au musée, outre la mini pièce dénudée dédiée aux victimes de son gouvernement, les expositions portent réellement sur sa jeunesse, sa montée au pouvoir, la guerre qu'il a gagnée.

Il y a beaucoup de photos, mais peu de mise en contexte. Et plus loin en chemin, beaucoup de touristes d'ex républiques soviétiques me parleront de ce musée avec haine, disant qu'ils n'ont aucun intérêt à se souvenir de cet homme.

Le séduisant jeune Staline.

Le séduisant jeune Staline.

La bonté incarnée...

La bonté incarnée...

La suite

Gori étant peu éloigné de Tbilissi, la capitale, je réussis à y arriver avec une journée d'avance pour rencontrer mon pote Mathieu. Je partagerai la route avec lui de Tbilissi jusqu'à Baku en Azerbaïdjan. Une traversée épique que je vous invite à lire bientôt dans les prochains chapitres !