Bienvenido a Montes

Je m’accroche les pieds dans un accueillant village d’Uruguay. En quelques jours, je fais du vélo de montagne, je rencontre un futur président et je n’ai pas assez de temps pour accepter toutes les invitations !

Le village de Montes, à environ 150 km au nord-est de Montevideo.

Le village de Montes, à environ 150 km au nord-est de Montevideo.

Je ne serais probablement jamais arrêté au petit village de Montes, à quelque 150 km au nord-est de Montevideo, si je n’y avais pas été directement invité. L’une de mes amies avait cependant partagé mon contact avec sa tante, qui habite cette localité de moins de 2000 habitants. Cette dernière a ensuite parlé de mon périple au groupe de vélo de montagne local, et à l’école primaire. Et je me suis retrouvé avec tellement de gens à y rencontrer que je n’avais d’autre choix que de faire le détour !

Après quelques jours dans la capitale du 2e plus petit pays d’Amérique du Sud, je suis donc sorti de la ville en longeant la côte vers l’est. Puis j’ai pris bifurqué vers le nord sur une route tout aussi soyeuse et tranquille. Le pays d’à peine 3,5 millions d’habitants est un charme pour rouler.

Les champs bordent ma route de chaque côté. L’horizon ondulé est parsemé de chevaux et de vaches brunes élevées pour la viande. Tout ce bétail passe la journée à paître dans ces grandes étendues, en relevant leur tête de curiosité à mon passage.

 À environ 6 km du village, juste avant de tourner sur un chemin de gravelle, je suis joint par quelques cyclistes membres du club de vélo local. Ils viennent à ma rencontre avec de grands signes de la main. Posant le pied à terre, ils me serrent la main avec effusion pour m’accueillir chez eux. Bienvenidos Chonathan !, prononçant mon nom à la façon uruguayenne, où les J, les Y et les double L sont remplacés par de forts CH.

Nous faisons ensemble la route jusqu’au village où l’on m’offre de m’installer dans le centre culturel. « Tu y seras tranquille ! », me dit-on.

Lecture dans ma chambre du centre culturel de Montes.

Lecture dans ma chambre du centre culturel de Montes.

Travail au centre lors d’une journée pluvieuse.

Travail au centre lors d’une journée pluvieuse.

 Beatriz et Juan Carlos

Juan Carlos et Beatriz, l’oncle et la tante de mon amie.

Juan Carlos et Beatriz, l’oncle et la tante de mon amie.

Le soir-même, je suis invité à souper chez Beatriz et Juan Carlos, la famille de mon amie. Juan Carlos prépare les braises dans son foyer au salon, puis dépose la viande directement sur la grille. Nous discutons en regardant la viande cuire dans l’antre.

Le couple de 67 et 75 ans est marié depuis bientôt 50 ans ! Beatriz était enseignante à l’école secondaire de l’âge de 19 à 55 ans. Majoritairement en anglais et en informatique. Elle a aussi pris le temps d’écrire 3 petits livres sur des contes locaux et de son enfance, afin de transmettre ses histoires à ses petits-enfants. Elle m’en signera même des copies qu’elle m’offrira en cadeau.

Leur maison représente cet amour de l’apprentissage et de l’écriture. En plus d’un bureau, l’une des pièce a été transformée depuis le départ des enfants en une aire de lecture avec des chaises, un hamac… et beaucoup de livres.

Juan Carlos de son côté a travaillé dans deux usines locales, dont la fabrique de sucre. Celle-ci a fermé ses portes en 1981 face à la compétition mondiale, mais elle se retrouve encore sur le logo de la ville et dans la mémoire populaire. Le sucre y était raffiné à partir de betteraves locales.

Nous terminons l’agréable repas par du thé, que Beatriz me laisse choisir dans sa bibliothèque remplie de différentes infusions. Décidément, ce village me surprend déjà !

 Présentation à l’école

Le lendemain, une équipe de télévision de Montevideo arrive au village pour faire une entrevue avec moi. Ils m’avaient vu dans le journal de la capitale, et m’ont ensuite écrit pour savoir si j’étais disponible pour aller à leur émission. Je leur ai répondu que j’étais déjà à Montes et ils ont alors décidé de faire la route pour faire l’entrevue au village. L’animateur Felipe et moi nous promenons donc à vélo dans les rues du village, pendant que leur camion devant nous filme la scène. (L’entrevue est disponible ici, en espagnol.)

Un peu en retard à cause de l’entrevue, j’arrive à l’école locale à 14h10, alors que ma présentation aux élèves devait débuter 10 minutes plus tôt. Ceux-ci sont extatiques lorsque j’entre dans la cour puis dans l’édifice.

Ils sont des centaines à scander mon nom ! « CHONATHAN ! CHONATHAN ! »

C’est Beatriz qui a organisé cette présentation en parlant de moi à l’école où elle travaillait auparavant. J’avais en tête que je parlerais devant une simple classe lorsqu’elle m’a proposé de le faire. Mais je me retrouve là devant l’école au complet, et même des élèves du village voisin ! Ils sont plus de 250 à vouloir entendre mes histoires. « Mon espagnol ne sera jamais assez bon ! », que je m’inquiète auprès de Beatriz. « Mais non ! On comprend très bien ce que tu racontes. », me rassure-t-elle.

Devant ce groupe d’enfants de 4 à 12 ans, je débute en expliquant que l’espagnol est ma 3e langue, et d’accepter mes excuses s’ils ne comprennent pas tout. L’un d’eux crie « Ton espagnol est bon ! », et tout le monde applaudit comme pour me remercier d’être présent et de faire l’effort de leur parler. Puis pendant les prochaines 40 minutes, je leur parle de mes aventures et du bon monde dans un respectueux silence et devant leur yeux grand ouverts.

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Je croyais cru que dans ce petit village du fond de l’Uruguay, on ne comprendrait pas bien mon projet. Que nos cultures seraient trop différentes, que leur jeune âge les empêcherait peut-être de se représenter le monde que j’ai en partie parcouru. Il n’en était rien. Les questions qui ont suivi m’ont surpris par leur qualité.

On me demande ainsi comment je m’adapte aux différentes cultures que je traverse, comment je paye mes voyages, si je me suis fait attaquer par des animaux. On me demande aussi si j’ai goûté au maté, cette boisson traditionnelle et omniprésente en Uruguay qui s’apparente au thé. Je réponds que j’en bois presque à chaque jour. L’un des enseignants m’offre alors sa tasse sous les applaudissements des étudiants !

La question la plus adorable revient cependant à ce bout de chou de maternelle assis en avant.
« Combien de pays tu traverses à chaque jour ? »

Les autres étudiants rient mais j’en profite pour leur parler des pays d’Europe, souvent beaucoup plus petits. Et de la journée où j’ai visité 3 pays en sortant de la Suisse, en traversant le minuscule Liechtenstein et en entrant en Autriche !

Montes Mountain Bike

Le même soir de cette présentation, je suis invité à un autre barbecue chez Richard, l’un des membres du club de vélo, et son épouse Teresita. Nous sommes une dizaines et de convives et tous apportent un petit quelque chose… généralement de la viande ou du vin !

Ici aussi je pose beaucoup de questions ! À ma demande de résumer l’Uruguay en 3 mots, tous s’entendent pour répondre « football (soccer), asado (barbecue), et maté (la boisson traditionnelle) ».

Le club de vélo du village a été fondé ici il y a quelques années par 3 personnes. D’autres membres motivés se sont peu à peu greffés au sport et au club. Aujourd’hui ils sont une vingtaine, dont 7 femmes, à rouler ensemble. Et ils organisent même annuellement une course qui compte bon an mal an plus de 300 inscrits !

Pourtant, les environs sont loin d’être des « montagnes ». Mais ils utilisent les chemins agricoles, et zigzaguent entre les champs et les rangs de gravelle, parfois en allant un peu plus loin où l’on trouve quelques collines plus importantes. C’est à l’un de ces villages voisins que l’on m’invite pour aller faire de la reconnaissance d’un circuit en vue d’une future course.

Sivana et Sara, Julio, Teresita, Richard, Paola, Melina, Javier, Daniel et José.

Sivana et Sara, Julio, Teresita, Richard, Paola, Melina, Javier, Daniel et José.

Deux jours plus tard, les vélos sont donc embarqués sur la remorque que José a fabriqué lui-même. Et nous faisons une heure de route pour aller s’éclater pendant 55 km de vélo de montagne.

Après seulement quelques kilomètres, je constate que l’huile du vélo que l’on m’a prêté s’échappe du frein hydraulique arrière. Je n’ai donc que mon frein avant qui fonctionne. Dans les descentes, je dois m’efforcer de ne pas trop appuyer sur la manette de risque de passer par-dessus mon guidon !

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On me prévient aussi de ne pas passer trop près des vaches à vélo. L’un des gars, Javier, a déjà fait peur à l’une d’elle. Celle-ci a poussé le cycliste à terre et la chaîne de son vélo s’est prise dans la corne de l’animal. Prenant peur, elle s’est mise à secouer la tête et se démener de plus en plus jusqu’à ce que le vélo vole haut et retombe lourdement au sol, complètement brisé. L’histoire est entrée dans la légende du club !

Le niveau technique n’est pas bien difficile ici mais permet de rouler à fond de train. Surtout que la journée est belle avec un agréable soleil et une température parfaite en cet hiver sud-américain. Je suis vraiment heureux d’avoir été membre honoraire du club pour une journée.

Paysage auquel nous avons droit durant cette sortie de vélo.

Paysage auquel nous avons droit durant cette sortie de vélo.

Baiser présidentiel

Après plusieurs jours à partager le quotidien des habitants de Montes, je dois éventuellement me résigner à poursuivre ma route. Mais ce matin là, je ne peux quand même pas partir avant d’avoir assisté au discours de Daniel Martinez, candidat socialiste aux élections présidentielles qui vient s’adresser aux gens de Montes.

L’homme politique a notamment été ministre, sénateur et maire de Montevideo. José, avec qui j’attends l’arrivée du candidat, ira voir celui-ci après son discours. L’approche n’est pas bien difficile en Uruguay, José lui mentionnant bien simplement que je fais le tour du monde en vélo. Le presque président me serre alors dans ses bras et m’embrasse même sur la joue !

Pas d’affiches électorales ici, on utilise les murs de béton des maisons pour peindre aux couleurs des partis.

Pas d’affiches électorales ici, on utilise les murs de béton des maisons pour peindre aux couleurs des partis.

Je pose avec le candidat, portant fièrement ma casquette « Montes MTB ».

Je pose avec le candidat, portant fièrement ma casquette « Montes MTB ».

Ce bec est ceci dit la norme. Les hommes s’accolent et s’embrassent ici autant que les femmes.

Après ces discours, je dis officiellement au revoir à tous mes nouveaux amis. Les adorables Juan Carlos et Beatriz, Richard et Teresita qui m’ont aussi accueilli chez eux quelques jours en plus du barbecue, puis José et Paola qui m’avaient notamment amené à la sortie de vélo de montagne. Et bien d’autres encore.

Puis je reprends la route vers le nord. La caravane présidentielle me dépasse quelques instants plus tard, chaque auto klaxonnant d’encouragement. Le candidat Martinez – qui est amateur de vélo – a le corps à moitié sorti de son auto et me lance de grands mouvements de bras et des signes de pouce en l’air !

En plus des livres de Beatriz, j’ai dans mes sac une tasse pour boire le maté que mes nouveaux amis m’ont offerte en cadeau.

Surtout, j’ai le coeur plein de nouveaux amis qui m’ont accueilli comme un fils et un frère dans leur petit village d’Uruguay qui valait certainement le détour.

 
En compagnie de Beatriz, Daniel, Javier, José et Paola.

En compagnie de Beatriz, Daniel, Javier, José et Paola.

 

p.-s. Daniel Martinez perdra finalement ses élections, terminant le second tour à 49,2% face au 50,8% de son adversaire Luis Lacalle Pou.