Uruguay : plat mais loin d'être plate

Je n’avais pas tellement d’attentes envers l’Uruguay, ce petit pays d’Amérique du Sud niché entre ses voisins géants, l’Argentine et le Brésil. Après quelques semaines à y rouler, c’est pourtant le cœur serré que je suis sorti de ce pays accueillant et parfait pour s’initier au cyclotourisme sud-américain.

Cet article a d’abord paru dans l’excellent magazine Vélo Mag, édition de mars 2020.

 

 

L’Uruguay est surtout reconnu pour… Mais pour quoi au juste ? Il est vrai que ce petit pays – le deuxième plus petit d’Amérique du Sud – ne vient pas souvent en tête. Et pourtant ! Cette république qui tient son nom de la rivière Uruguay, la séparant de l’Argentine à l’ouest se trouve au premier rang des pays latino-américains notamment pour ce qui est des indices de démocratie, de paix et d’absence de corruption.

Progressiste, le gouvernement socialiste devient en 2013 le premier pays au monde à légaliser la production, la vente et la consommation de cannabis. La même année, il devient le premier pays latino-américain à rendre légal le mariage de même sexe. Et comme au Québec, l’électricité est produite ici à 95% d’énergies renouvelables, soit l’hydroélectricité et l’éolien.

En bordure de la route, dans le nord du pays, j’ai rencontré le gaucho Washington Perez, coiffé du béret traditionnel uruguayen.

En bordure de la route, dans le nord du pays, j’ai rencontré le gaucho Washington Perez, coiffé du béret traditionnel uruguayen.

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Entrée par l’Argentine

C’est dans l’ancienne forteresse portugaise de Colonia del Sacramento que je débarque, après avoir emprunté l’un des nombreux traversiers qui arrivent quotidiennement de Buenos Aires. Le pays actuel a longtemps été disputé entre ces deux puissances européennes qu’étaient l’Espagne et le Portugal. L’uruguayen, avec ses nombreux sons de « ch », est ainsi un espagnol s’alimentant de sonorités portugaises.

Colonia est intéressante d’un point de vue historique, mais passer un avant-midi à visiter la vieille ville m’est suffisant. Je prends ensuite l’autoroute en direction de Montevideo, la capitale, située à 185 km à l’est. C’est là que je comprends que le pays sera tranquille. Sur l’autoroute 1, je file presque seul sur un bel accotement doux comme la soie !

Montevideo

Il n’existe pas de version officielle concernant l’origine du nom de la plus grande ville du pays. Monte vide eu (« je vois une montagne ») aurait été prononcé par un marin portugais à la vue de la colline située sur la côte. L’explication cartographique – ma préférée – dit quant à elle que les Espagnols suivant la côte auraient marqué l’emplacement sous le nom de « Monte VI D-E-O », le sixième mont d’est en ouest. 

La capitale héberge presque la moitié des habitants du pays. Mais comme ce dernier n’en contient qu’à peine trois millions et demi, mon entrée se fait assez paisiblement. Il est possible de passer plusieurs jours agréables en ville, entre les vieux quartiers historiques et la spectaculaire Rambla, une promenade de 22 km longeant la côte sablonneuse et où les gens se baladent en patins, en vélo, ou à pied avec un maté en main.

Juste en Uruguay

Le maté est cette boisson traditionnelle provenant du Paraguay, aujourd’hui consommée abondamment dans toute la moitié sud du continent. Et nulle part davantage qu’en Uruguay. Je suis surpris de voir que la majorité des gens ont en permanence dans une main leur Thermos d’eau chaude servant à renouveler la tasse à moitié remplie d’herbes qu’il tienne dans l’autre.

À Antlántida, il n’est pas rare de voir ces maisons fabriquées à partir de conteneurs laissés vides par les bateaux.

À Antlántida, il n’est pas rare de voir ces maisons fabriquées à partir de conteneurs laissés vides par les bateaux.

« Tu n’es pas Uruguayen si tu ne bois pas de maté. » m’affirmera d’ailleurs Reinaldo, rencontré dans un magasin entre Colonia et Montevideo. À l’extérieur des stations-services, on voit partout des machines distributrices sur lesquelles il est inscrit « eau chaude pour maté », comme si c’en était la seule utilisation possible.

Le pays regorge de ces petites découvertes amusantes pour le voyageur. Comme l’explication des nombreuses maisons fabriquées à partir de conteneurs. Le port de Montevideo étant l’un des plus importants du continent, de nombreuses compagnies se spécialisent dans la vente ou l’aménagement de ces milliers de boîtes en métal laissées vides sur place lorsque les bateaux repartent. Le propriétaire d’une maison formée de 3 ou 4 de ces conteneurs me dira que ceux-ci ne coûtent que l’équivalent de 2600$.

À Montevideo, je rencontre aussi la généreuse ambassadrice canadienne en Uruguay, Joanne Frappier, qui m’explique l’absence de sel sur la table. « Le président sortant était un médecin, me raconte-t-elle. En 2015, il a banni le sel et tout ce qui en contient sur les tables des restaurants. Pas de mayonnaise, pas de ketchup non plus. Si tu en veux, tu dois le demander. »

Les petits villages

Après la capitale, je reprends la paisible et lisse route uruguayenne, cette fois en direction du petit village de Montes. J’y ai reçu là une invitation du groupe local de vélo de montagne (voir l’article complet ici).

La plus haute « montagne » au pays dépasse à peine les 500 mètres, mais le sport y est néanmoins très répandu. Le groupe organise même une course accueillant de 300 à 400 cyclistes annuellement dans ce village d’à peine 2000 habitants.

Et accueillants, ils le sont ! On me prête même un vélo Specialized à suspension avant pour que je puisse faire une sortie avec eux. Mes jambes sont en forme sur ma bécane délestée de sacoches, mais le fait que l’huile de mon frein arrière se soit vidée complètement dans les premiers kilomètres me ralentit un peu ! Heureusement, il n’y a pas de grandes inclinaisons et nous traversons davantage des champs et des chemins forestiers.

Dans la campagne uruguayenne, en compagnie d’Enrique et de Richard, des cyclistes de Montes. Ça roule plus vite sans sacoches !

Dans la campagne uruguayenne, en compagnie d’Enrique et de Richard, des cyclistes de Montes. Ça roule plus vite sans sacoches !

Au village, le mot a circulé à propos de ma ma visite, et les enseignants ont parlé de moi. Plusieurs enfants me reconnaissent même dans la rue. Je me retrouve ainsi à accepter de présenter mes péripéties à l’école primaire. M’attendant à baragouiner en espagnol devant une seule classe, je suis accueilli par plus de 200 étudiants qui crient mon nom avec enthousiasme ! Je m’en sors assez bien pour que les questions fusent après la présentation. « Comment te débrouilles-tu face au changement constant et rapide de cultures ? », me demande l’un d’eux, allumé. « Combien de pays traverses-tu à chaque jour ? » se demande ensuite l’un des bouts de chou assis à l’avant !

J’ai trop d’invitations à souper et d’hébergement pour les accepter toutes. Après plusieurs jours au village, je dois reprendre la route. Je lance des au-revoir à mes nouveaux amis en continuant vers le nord.

Devant un Thermos de maté, après la présentation à l’école primaire de Montes.

Devant un Thermos de maté, après la présentation à l’école primaire de Montes.

Côtes et terres

À mon avis, l’Uruguay est le meilleur pays d’Amérique du Sud pour s’initier au cyclotourisme. Entre autres en raison de son faible dénivelé, de sa population accueillante et ses belles routes. La majorité de ces dernières sont recouvertes d’un asphalte récent et de bonne qualité. Et même lorsque l’accotement n’est pas large, je ne m’y suis jamais senti dérangé. Le peu de véhicules qui me dépassaient me laissaient amplement de place pour circuler.

Je me suis aussi embarqué à quelques reprises sur des chemins de graviers, mais même ceux-ci étaient assez roulants. Assez pour que je dépasse parfois de gros troupeaux de bovins menés par leurs gauchos montés sur leurs chevaux, ces cowboys sud-américains coiffés d’un béret noir. J’ai d’ailleurs eu de belles discussions et reçu de gentilles invitations à dormir de la part de ces derniers.

Les beaux endroits de camping sauvage ne manquent pas dans ce pays relativement plat.

Les beaux endroits de camping sauvage ne manquent pas dans ce pays relativement plat.

Au nord du pays, je fais la rencontre Marine et de Tony, un couple de Français qui est en train de cuisiner son dîner au le bord du chemin. Ils en sont justement à leur première expérience de voyage à vélo. « Nous ne connaissions pas du tout le pays, m’explique Marine. Mais nous nous sommes dit que nous n’y rencontrerions pas le vent et les importantes distances de la pampa argentine, ni le dénivelé des Andes. » Le couple a finalement tellement aimé le pays qu’ils a passé deux mois et demi à en faire littéralement le tour.

J’en profite ainsi pour leur demander comment ils ont trouvé la côte, moi qui l’ai coupée courte pour entrer dans les terres. « C’est complètement différent, il y a beaucoup plus de plages et moins de vaches ! », rigolent-ils. C’est aussi plus touristique et en suivant la mer et la rivière Uruguay, il est facile de trouver un hôtel tous les soirs. Ce qui est un peu plus difficile dans les terres, où les hébergements peuvent parfois être distants de 150 à 200 km l’un de l’autre selon la route empruntée. À noter que leurs prix et leurs disponibilités varient aussi selon la haute ou la basse saison, en particulier dans les quelques endroits plus courus. 

Mais comme dit Marine, « si on veut vraiment connaître le pays, ça me parait indispensable de passer par l'intérieur des terres ».

Les chevaux, les moutons et les vaches font partie du paysage quotidien. Les vaches, particulièrement, sont tellement curieuses qu’elles embarquent souvent l’une sur l’autre pour mieux voir.

Les chevaux, les moutons et les vaches font partie du paysage quotidien. Les vaches, particulièrement, sont tellement curieuses qu’elles embarquent souvent l’une sur l’autre pour mieux voir.

Petit pays

Après quelques semaines à rouler en Uruguay, j’ai l’impression de connaître bien davantage ce petit pays. Certainement mieux que si je n’avais fait que lire les guides touristiques ou m’y étais promené en autobus. 

Le paysage n’y est pas grandiose. Mais l’horizon ondulé et verdoyant habité de vaches, de moutons, de chevaux et de gauchos curieux a eu sur moi un effet apaisant. J’aurais certainement pu rester quatre fois plus longtemps ici.

Il est effectivement facile de s’y accrocher les pieds. Que ce soit dans le sable des nombreuses plages, à la table d’un café des quartiers coloniaux, ou dans un champ à en apprendre plus sur le mode de vie de ces cowboys buveurs de maté.

En voyage, nos souvenirs les plus chers sont reliés aux gens, plus qu’aux paysages. Et avec la générosité des Uruguayens, je ressors du pays la tête pleine de ces nouvelles rencontres.

Alors que je poursuis ma route vers Brésil, je me retourne vers ces nouveaux amis que je laisse derrière. Reviendrais-je ? Je n’ai guère le choix… j’ai encore plein d’invitations à honorer !


L'Uruguay en bref

Géographie :

Population d’à peine 3,5 millions d’habitants sur un territoire presque 9 fois plus petit que le Québec.

Difficulté :

Relativement facile. Relief assez plat formé de petites collines.

Coût :

Possiblement le pays le plus cher d’Amérique latine, avec des coûts presque semblables au Canada pour la nourriture. Peu de campings organisés à l’exception de la côte. Dans les petites villes, les hôtels commencent environ à 25$ par personne. Les prix sont plus élevés sur la côte et en haute saison.

Équipement :

Peu de magasins de vélo à l’extérieur de Montevideo, surtout pour de la bonne qualité. Mieux vaut arriver préparé avec quelques pièces de rechange.

Visa :

Les Canadiens peuvent demeurer en Uruguay comme touriste pour 90 jours sans visa

 

Autres endroits intéressants


1- Artigas (nord-ouest)

D’incroyables mines d’immenses améthyste. Endroit assez peu touristique mais vraiment différent.

2- Punta del Este (sud-est)

Ville balnéaire célèbre. La « Saint-Tropez de l’Amérique latine ». Peut-être la destination touristique la plus connue du pays.

3- Cabo Polonio (sud-est)

Le contraire de Punta del Este. Il n’y a pas de route ni d’électricité. Que des dunes et des loups marins.

4- Montevideo

La ville a beaucoup à offrir. Moderne et tranquille, elle compte aussi plusieurs quartiers historiques et de beaux points de vue. Plusieurs tours de villes gratuits sont disponibles.