Première semaine difficile

Je n'ai eu qu'une journée à Kuala Lumpur pour me préparer à repartir. Qu'à cela ne tienne, la route m'attend !

450 km entre Kuala Lumpur et Singapour.

450 km entre Kuala Lumpur et Singapour.

Je n'ai cinq jours pour pédaler jusqu'à Singapour, à 450 km au sud. De là je dois prendre un cargo de marchandises vers Taïwan (un avion, c'est tricher), et l'armateur m'a confirmé que l'arrivée prévue du bateau au port avait été devancée d'une journée sur l'horaire initial.

Reprendre la route me stresse. Le décalage horaire n'aidant pas, je ne m'endors qu'à 4h du matin dans la chambre d'ami de mon ami Alex. Je pense à tout ce qui est à venir.

Quand l'alarme sonne – beaucoup trop tôt – je peine à rassembler mes idées.

Je retrouve pourtant des gestes connus dans ma préparation de départ. Boucler mes sacoches trop pleines en me demandant ce qui prend autant de place et de poids. Je connais bien sûr la réponse. Les vêtements quatre saisons, les produits de santé, de réparation de vélo, la nourriture, l'eau, la crème solaire. En appliquant cette crème solaire sur ma peau qui redeviendra bientôt brune, je retrouve un peu le sourire.

Ça va bien aller.

Sortie de ville

Dernier regard sur les tours avant de partir.

Dernier regard sur les tours avant de partir.

Je savais à quoi m'attendre. Circuler en vélo à Kuala Lumpur est en soit une aventure. En sortir l'est encore plus. Tout n'est qu'autoroutes dans cette ville. Les automobilistes sont néanmoins courtois et se tassent en me dépassant alors que je roule sur l'accotement de l'équivalent de l'autoroute métropolitain. À chaque bretelle, les conducteurs attendent leur tour et ne klaxonnent même pas. KL est une folle ville, mais pas une ville de fous. Peut-être me prennent-ils en pitié ?

Ce n'est pourtant pas de la pitié que j'aurais eu besoin, mais de l'entraînement ! Après 7 km, j'ai mal aux jambes. Après 8, mon genou opéré il y a quelques années m'élance. Au dixième kilomètre, j'ai presque le goût de vomir en poussant sur mes pédales pour monter une côte. En bruit de fond, les imams chantent la prière de l'après-midi. Je suis en nage et mon nouveau chandail de vélo pendouille de sueur.

Au même moment, un homme en scooter me dépasse. Il m'envoie un signe de pouce en l'air. Finalement, douleur ou pas, ça fait du bien d'être de retour dans ce bon monde.

Mon corps souffre

Première photo avec ma nouvelle acquisition : un drone !

Première photo avec ma nouvelle acquisition : un drone !

J'arrête manger dans un boui-boui de bord de route. Je visite la toilette (i.e. le trou) et me rappelle l'absence de papier. De l'une des deux cabines sort un homme qui a selon plusieurs indices sonores et odorants fait un numéro 2. En absence de papier, tu peux imaginer qu'il a dû utiliser au moins une main dans son nettoyage. Sans passer par le lavabo, il retourne directement à son lieu de travail... la cuisine !

J'aime autant ne pas y penser. Qu'est ce que tu veux faire ?!

Je reprends péniblement la route. Le pire, c'est mon derrière. J'ai perdu toute ma belle « corne de fesses » que j'avais accumulée. Puis j'ai une nouvelle selle dont je ne suis pas encore trop certain du confort. Peinant à rouler dans cette chaleur et humidité extrême, je termine la majorité de mes journées bien après la tombée de la nuit.

Cette longue route vers Singapour continue aussi à me stresser. Vais-je retrouver la forme? Le même bonheur à rouler? Est-ce que j'ai trop d'équipement avec moi? Mon vélo et son équipement pèsent quand même près de 60 kilogrammes !

En traversant la vieille ville coloniale de Malacca, je me force à cesser ces questions et à simplement apprécier le plaisir de pédaler. Ce plaisir qui reviendra sans doute à mesure que mes douleurs partiront...!

Malacca et sa grande influence chinoise.

Malacca et sa grande influence chinoise.

Le monokini « à la malaisienne ».

Le monokini « à la malaisienne ».

Du riz de bambou

Un peu après Malacca, je dépasse plusieurs étalages enfumés où l'on fait cuire des morceaux de bambous. Je ne m'arrête tout d'abord pas, mais rebrousse rapidement chemin pour ne pas perdre l'occasion. J'ai déjà mangé une fois auparavant du lemang, ce riz gluant cuit dans une tige de bambou, et je sais que c'est incroyablement bon ! La technique vient à l'origine des Orang Asli, ce peuple aborigène de Malaisie, mais est aujourd'hui répandue dans le monde malais.

Pour éviter que le riz n'y colle, des feuilles de bananier sont mises à l'intérieur de la tige de bambou. Le riz est ajouté dans ce cylindre naturel, accompagné de lait de coco. Puis les tubes sont placées contre le feu. J'en pointe un à Jafar, le responsable du petit étalage. Il prend alors le morceau de bambou, puis le prise à l'aide d'une petite hache. En décollant la moitié du tube, le riz entouré des feuilles de bananiers rappellent le sushi avant qu'il soit coupé en rondelles. Ce que Jafar exécute ensuite devant moi.

Il souhaite me l'offrir en cadeau mais je vois combien lui et ses jeunes aides travaillent fort. Je leur laisse un montant d'argent en partant.

La préparation du Lemang ne saurait être plus artisalane.

La préparation du Lemang ne saurait être plus artisalane.

Jafar, le responsable des lieux.

Jafar, le responsable des lieux.

Le bon monde

Malgré la douleur constante et mon important kilométrage à faire, je reprends rapidement le goût et l'habitude de parler aux gens. Les Malaisiens sont curieux et intéressés à chaque fois que j'arrête manger. Et chacune de ces conversations et de ces encouragements est une pousse supplémentaire vers Singapour. Et puis, je pourrai toujours me reposer sur le bateau !

Un étalage qui n'est pas sans rappelé celui d'Ordralphabétix. « Il est frais mon poisson. »

Un étalage qui n'est pas sans rappelé celui d'Ordralphabétix. « Il est frais mon poisson. »

On ne serait pas en Malaisie sans la friture de bord de route.

On ne serait pas en Malaisie sans la friture de bord de route.

Mohamed, devant son dépanneur.

Mohamed, devant son dépanneur.

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