Une entrée compliquée à Singapour

Après avoir quitté la Malaisie, Singapour m'apprend rapidement que ses nombreux règlements sont là pour être respectés.

Les fontaines du sultan de Johor, à Johor Bahru, la capitale de l'État.

Les fontaines du sultan de Johor, à Johor Bahru, la capitale de l'État.

Je reste une heure à attendre à la frontière pour entrer à Singapour. Ça en fait la deuxième plus compliquée de mon périple, après l'incroyable Ouzbékistan!

Et pourtant, les motocyclistes entrent à toute volée au pays autour de moi. Probablement une aux deux secondes et on n'est même pas à l'heure de pointe !

Plusieurs centaines de milliers de personnes entrent quotidiennement de la Malaisie à l'un des deux points d'entrée vers Singapour. 300 000 en ne comptant que ceux qui marchent !

J'ai suivi pour ma part les motocyclistes jusqu'à me retrouver devant une barrière où l'on me demandait une carte spéciale. Un douanier s'est rapidement aperçu de mon embarras et est venu me chercher. « Attends ici. », m'a-t-il dit, en me pointant à côté d'une petite cabine. Une jeune douanière m'explique alors à travers la vitre de la cabine que comme j'ai suivi le mauvais chemin, on doit maintenant m'escorter au bureau.

« Je peux juste revenir sur mes pas et prendre le bon chemin », que je lui propose.
« Non. Tu t'es trompé, c'est trop tard. »

J'attends donc.

Et j'attends encore. Pour une heure.

Debout au soleil, je finis par m'accroupir. Puis à m'accoter contre la barrière de plastique pour me protéger du soleil. L'heure s'écoule dans la chaleur de la fin de l'après-midi. « C'est encore long ? », que je demande à quelques reprises. « On ne sait pas. Tu n'avais qu'à respecter le règlement et à suivre le bon chemin. »

Le bureau

Un tout jeune employé arrive enfin après une heure d'attente. Il est à vélo et nous roulons ensemble jusqu'au bureau... environ 2 minutes !

Dans la salle d'attente, il y moins d'une dizaine de personnes. J'ai l'impression d'être un terroriste... ou un enfant réprimandé par le directeur. J'attends mon tour, entouré d'un harem de femmes au voile intégral, de quelques Indiens, et d'une famille de Chinois.

Je ne suis pas vraiment inquiet, je n'ai rien à cacher. Mais j'ai encore plus de 30 kilomètres à faire pour me rendre à l'auberge et la journée est déjà presque terminée. Enfin, c'est mon tour. Le douanier me réprimande une énième fois sur le fait que je suis allé au mauvais endroit, avant d'étamper mon passeport sans autre formalité.

L'autoroute

Je ne sais pas quelle route prendre pour me rendre au « sud du pays », soit 35 kilomètres plus loin. Et avec encore une mentalité de Malaisie, je m'embarque sur l'autoroute. J'ai été habitué à ne pas avoir d'autre option, et même à m'y faire saluer par les automobilistes et les autorités.

C'est bien différent ici ! Ça ne fait pas 3 minutes que je roule sur l'accotement que déjà on m'arrête. Les responsables de la circulation m'envoient alors dans un détour sur des voies moins passantes. De détour en détour je reviens à ma position de départ puis finis par faire mon chemin jusqu'au centre-ville. C'est plus long, mais c'est effectivement plus calme et plus agréable. J'admire en chemin la propreté et l'ordre de cette ville-pays.

Singapour l'urbaine

Singapour est radicalement urbaine, propre et ordonnée, surtout au Central Business District.

Singapour est radicalement urbaine, propre et ordonnée, surtout au Central Business District.

Singapour est résolument urbaine. C'est avec raison qu'on la définit comme une cité-État (titre aussi donné au Vatican et à Monaco). Il faut dire que le pays est aussi l'un des plus petits du monde. Même s'il souhaite grandir... Son territoire est aujourd'hui 20% plus grand que dans les années 1970. Ils achètent du sable du Vietnam, de Thaïlande et de l'Indonésie pour agrandir leur superficie et pouvoir y bâtir de nouveaux édifices. En contrepartie, on estime que l'Indonésie a depuis perdu 24 îles par manque de sable !

Je m'attendais à ce que les signes soient plus en chinois. Après tout, Singapour s'est « fait renvoyer » de la Malaisie au début des années 1960 parce qu'ils était trop Chinois et pas assez Malais. Mais c'est partout en anglais. La révolution capitaliste s'est faite jusque dans la langue d'affichage.

Elle s'est aussi faite dans le transport. Il y a ici beaucoup plus d'autos et moins de petites motos. Signe de richesse dans la majorité des pays asiatiques, où l'on abandonne la rapidité du scooter pour l'apparence de l'auto dès qu'on en a les moyens.

Tout est aussi plus cher ici. En fait, les biens sont le même prix qu'en Malaisie, si on oublie que la monnaie vaut trois fois plus. Ce qui me coûtait 5$ à Kuala Lumpur m'en coûte donc 15 ici. Ce n'est pas pour rien que Singapour se classe 4e ville la plus chère du monde.

Gardens by the Bay

Je termine cette courte visite en allant marcher et prendre la photo touristique obligatoire aux jardins près la marina, que l'on appelle Gardens by the Bay. Ce fantastique et moderne parc fait plus de 101 hectares en plein centre de la ville. C'est la moitié du parc du Mont-Royal. On y trouve plein de sentiers, des petits lacs, et surtout les « super arbres ».

Ces structures artificielles en forme d'arbres s'élancent à plus de 25 à 50 mètres dans les airs. Ils servent en même temps de jardins verticaux, et abritent d'innombrables fougères, vignes ainsi que de nombreuses fleurs. Ils possèdent des panneaux solaires qui emmagasinent l'énergie nécessaire pour les illuminer le soir venu. Et ils canalisent l'eau de pluie pour l'irrigation et les fontaines du parc.

Des touristes de partout forment une foule dense sous ces arbres, à attendre le spectacle musical et lumineux présenté à la tombée de la nuit. La blondeur scandinave côtoie les barbes noires du Moyen-Orient. Tous ces gens patientent en parlant, les jeunes courent et crient en jouant à la tag. Une mère s'amuse à taper dans les mains avec sa petite fille, et inspire un couple voisin dans la quarantaine à en faire autant.

Ces arbres mi-artificiels mi-naturels semblent créer l'ambiance du futur dans cette cité. Je repense au dernier épisode du documentaire Planet Earth 2 de la BBC. La série se termine précisément ici en parlant de Singapour comme de la ville 2.0.

Les fameux et impressionnants palmiers « Supertree Grove », dans le Garden by the Bay.

Les fameux et impressionnants palmiers « Supertree Grove », dans le Garden by the Bay.

Comme dans toute bonne ville moderne, les gens semblent ici avoir plus le temps pour les loisirs. En revenant à mon auberge, je croise beaucoup de coureurs le long de la marina. Quant à moi, j'ai terminé de courir (ou plutôt de pédaler) pour une semaine. Je m'embarque bientôt sur un cargo de marchandises qui m'amènera à Taïwan. 8 jours plus tard, de l'autre côté de la mer de Chine méridionale !