Ljubljana : Une ville aux vertes ambitions

Meilleure destination européenne 2022, centre-ville historique réservé aux cyclistes et aux piétons, 300 km de pistes cyclables et d’autres en construction... Ljubljana, la capitale slovène, est motivée et motivante.

Cet article a d’abord paru dans l’excellent magazine Vélo Mag, édition mai 2022.


En 2007, la ville d’un peu moins de 300 000 habitants a mis sur papier d’ambitieux objectifs à atteindre avant 2025. Changer les mentalités en matière de transport urbain s’y trouve, tout comme limiter à un tiers les déplacements automobiles sur l’ensemble de son territoire.

La même année, la vieille ville lovée au pied du château médiéval ferme ses accès aux voitures, à l’exception de quelques heures matinales. Pour les résidents et les touristes, des navettes dans de petits véhicules électriques sont mises en place. Comme pour chaque changement, les réticences initiales sont importantes. « Seulement 30 % des résidents appuyaient la fermeture des artères du centre-ville », me raconte Matic Sopotnik, du service des activités commerciales et de la circulation à la Ville de Ljubljana. Avec satisfaction, il ajoute cependant que « dix ans plus tard, en 2017, un nouveau sondage a révélé que 94 % de la population était heureuse du résultat ! ».

Exit les voitures autour du château de Ljubljana, depuis 2007 !

Le salon urbain

Je sens un véritable mouvement cycliste dans cette magnifique ville de l’ancienne Yougoslavie. Les projets porteurs sont légion et les prix pour les récompenser s’accumulent : capitale verte de l’Europe en 2016, meilleure destination européenne en 2022 selon un sondage effectué auprès des voyageurs, top 15des meilleures villes cyclables au monde dans les trois derniers palmarès Copenhagenize. Les citoyens comme les employés municipaux en sont manifestement fiers. À ma demande d’entrevue, pas moins de trois fonctionnaires m’ont proposé de me rencontrer.

La conseillère en relations publiques Vita Konti´c Bezjak me parle de la métamorphose de la Slovenska cesta. « Cette artère, une des principales de la ville, est devenue un espace public de qualité. » En plus de la piste cyclable qui la traverse, des arbres et des terrasses ont été ajoutés sur plus de 420 m, et les seuls moteurs qu’on entend maintenant sont ceux des autobus qui y circulent. Un appui presque unanime de la population a permis de rendre permanente cette expérience, maintenant surnommée le « salon de la ville ».

Matic Sopotnik m’indique que la qualité de l’air s’y était déjà améliorée avec la fermeture du centre-ville, mais que la seule réorganisation de l’avenue Slovenska a diminué la pollution atmosphérique de 70 % supplémentaire. « Cette transformation majeure a en même temps permis d’introduire le concept d’espace partagé dans la législation nationale », ajoute-t-il. Une assise légale qui est maintenant utilisée dans la transformation d’autres secteurs de la ville.

Tour de ville en solo… (crédit Mankica Kranjec - Nea Culpa)

ou avec un groupe. (crédit Mankica Kranjec - Nea Culpa)

Que des avantages

« La meilleure façon de découvrir notre capitale est d’enfourcher un vélo, estime Tina Kralj, qui travaille au bureau du tourisme. Ici, le relief est plat et tout est proche. » Son organisme propose d’ailleurs différents tours cyclistes guidés sous différentes thématiques culturelles et historiques. En plus, un populaire réseau de 800 vélos en libre-service dessert 80 stations disséminées dans Ljubljana. « Un seul vélo a été volé en dix ans ! » m’assure Matic Sopotnik, du service des activités commerciales et de la circulation à la Ville de Ljubljana. Il faut dire qu’un vol serait assez peu utile considérant que la première heure de déplacement est gratuite et que l’abonnement annuel coûte trois euros !

J’ai l’impression qu’il n’y a aucun désagrément lié au cyclisme ici. Matic Sopotnik m’en trouve néanmoins un, mineur. « Les petites plaques rondes métalliques qui délimitent certaines pistes cyclables sur le trottoir sont glissantes. L’architecte croyait que ce serait plus beau que de peindre des lignes, mais c’est moins pratique. » Il m’explique que la très grande majorité des voies cyclables ont été en fait construites en diminuant la largeur de la rue et en élargissant le trottoir. « Nous n’avons que cinq ou six voies doubles dans toute la ville ! » souligne-t-il, un peu jaloux des possibilités qu’offrent nos larges boulevards nord-américains.

« Seulement 30 % des résidents appuyaient la fermeture des artères du centre-ville. Dix ans plus tard, en 2017, un nouveau sondage a révélé que 94 % de la population était heureuse du résultat ! »
- Matic Sopotnik

Cibles (presque) atteintes

Un garage souterrain pour abriter une centaine de vélos ainsi que quelques dizaines de kilomètres de nouvelles pistes sont en construction en vue de la conférence annuelle Velo-city, qui se tiendra en juin à Ljubljana.

« Nous ne pouvons pas nous comparer à de grandes villes cyclistes comme Amsterdam ou Paris, mais nous faisons très bonne figure aux côtés de villes de même taille », croit Matic Sopotnik. Davantage tournée vers l’Europe de l’Ouest, la capitale slovène est également à des années-lumière des autres capitales de l’ex-Yougoslavie, qui tentent d’ailleurs de s’en inspirer. Enthousiasmée par tous ces projets et embellissements, la population de Ljubljana a réélu son maire à chaque élection depuis 2006.

Quant aux cibles visées en 2007, la ville y touche presque : 16 % des déplacements urbains se font désormais à vélo. L’automobile occupe 39 %, en baisse de 20 % depuis la dernière décennie, mais encore quelques points au-dessus de l’objectif d’un tiers prévu pour 2025. « Malgré toutes nos améliorations, nous demeurons des Slaves et nous aimons nos autos. Nous devons donc continuer le travail ! » s’exclame Matic Sopotnik.

La capitale slovène a tout pour plaire, avec sa taille vivable, ses initiatives vertes et les Alpes à moins d’une heure de route.