Éloge de la diversité dans les Cantons-de-l'Est
Les Cantons-de-l’Est proposent toutes les options aux adeptes de vélo, de la balade du dimanche jusqu’aux costauds défis prisés par le cycliste amateur. J’explore une partie de ce formidable potentiel en roulant sur des pistes cyclables, des routes de gravelle et même quelques courbes de pump track !
Cet article a d’abord paru dans l’excellent magazine Vélo Mag, édition avril 2022.
Vous trouverez aussi une vidéo produite pour la websérie de la Route verte au bas de l’article.
Le Centre national de cyclisme de Bromont a multiplié son offre de services et ses infrastructures – ajoutant entre autres une piste à rouleaux – depuis qu’il est sous la gouverne de Nicolas Legault, cet entraîneur cycliste devenu directeur général en 2012 et avec qui nous avons rendez-vous, mes deux comparses et moi-même.
Le vélodrome des Jeux olympiques d’Atlanta de 1996, déménagé et installé à Bromont en 2000, était lors de notre visite toujours en chantier, en vue d’être remplacé par le premier vélodrome intérieur au Québec, un immense projet de 20 millions de dollars qu’on prévoit compléter avant l’automne 2022 (NDLA : il est maintenant ouvert !).
Le nouveau vélodrome du Centre national de cyclisme de Bromont, avant sa complétion. (Crédit Guillaume Milette)
Tout sourire sur l’Estriade.
« Le Centre, c’est pour apprendre le vélo, indique Nicolas Legault entre des sentiers de cross-country et de hautes buttes de terre (dirt jumps). Et cet apprentissage se fait des premiers coups de pédale jusqu’à l’entraînement professionnel. » Le personnel du Centre organise des camps d’été et des journées d’initiation, en plus de se déplacer dans les écoles dans le but d’enseigner la sécurité routière. Un groupe d’élèves est d’ailleurs sur place, occupé à acquérir les rudiments du BMX. Devinant mon intérêt, le directeur me prête l’équipement nécessaire pour essayer ce sport à mon tour.
Je suis immédiatement charmé par les virages serrés et les nombreuses bosses de la piste à vagues. Tout au long du parcours, il me faut à chaque ondulation appuyer davantage sur mon guidon que sur mes pédales. L’expérience sportive imprime sur mon visage, puis sur celui de mes amis, de radieux sourires et induit une fatigue étonnante pour une si courte distance.
Le bel asphalte de l’Estriade, près de Bromont. (Crédit Guillaume Milette)
Les chevaux paissent près de Bolton-Ouest.
Une île frappe son Waterloo
Après la nuit au camp d’entraînement du Centre cycliste, nous nous engageons tout juste au nord de Bromont sur l’impeccable goudron routier de l’Estriade, une magnifique piste cyclable bordée de boisés et de pâturages.
Après une quinzaine de kilomètres, nous franchissons à Waterloo un ponceau donnant une vue sur le lac du même nom. En direction de la Route verte 1, nous traversons des quartiers résidentiels neufs, où nous tombons sur Suzanne et son chihuahua hispaniquement dénommé Jack Antonio Pépé Rodriguez Emanuel Alfredo Carlos. Suzanne évoque l’histoire d’une bande de terre qui se serait détachée il y a longtemps pour devenir une île flottante parsemée de quelques granges. « Comme elle se promenait et percutait les quais, il a été décidé de la rattacher. »
Le lac Waterloo. (Crédit Guillaume Milette)
Le lion de Waterloo
Notre trio dans les Cantons-de-'l’Est : Guillaume, Jonathan et Gabrielle. (Crédit Guillaume Milette)
Nous poursuivons vers Stukely-Sud par le chemin de la Diligence, tout en gravier. Nous sommes évidemment entourés de chevaux. En passant par-dessus l’autoroute 10, je jette un regard aux pauvres automobilistes prisonniers de leur cage d’acier. Nous filons rapidement sur le bitume jusqu’à Saint-Étienne-de-Bolton, où nous découvrons fortuitement un jardin d’asclépiades aménagé pour attirer les papillons monarques. De l’autre côté de la rue, devant la mairie, je m’émerveille d’une antiquité technologique : une cabine téléphonique blanc et bleu de Bell !
Le lac Brome, juste avant d’arriver à Bolton-Ouest. (Crédit Guillaume Milette)
Nos amis les ânes
Le ciel se colore au-dessus du lac Brome alors que nous arrivons au sommet de la montée du bien nommé chemin Mountain. Après une descente endiablée sur gravillon, nous virons à gauche sur le chemin Bailey et atterrissons à Bolton-Ouest, où Christiane Tétreault et Normand Beaudry nous attendent à l’asinerie Ânecdotes.
« En 2014, j’ai effectué un trek au Bhoutan et je suis tombée en amour avec ma mule », raconte Christiane Tétreault, tout sourire. L’informaticienne prend alors la décision d’un jour posséder des ânes et d’habiter une ferme. Ce rêve se concrétisera en 2019, à sa retraite et après un long voyage cycliste qui mènera le couple de l’Asie centrale jusqu’au Japon. Leur premier âne a été le doux Lancelot, que j’ai la chance d’étreindre.
Les fermiers visent l’autosuffisance : ils cultivent leur jardin, enrichissent la terre avec leur humus à partir de vieux bois, de fumier, d’herbe et de feuilles mortes, et font pousser des dizaines de légumes, ainsi que des champignons et des fleurs comestibles. En outre des cyclistes toujours bien reçus, Christiane et Normand logent fréquemment des familles curieuses d’en apprendre davantage sur les ânes. Les marches en forêt en compagnie de ces derniers – cinq gentilles bêtes qui possèdent toutes une personnalité bien à elles – sont calmantes et créent un extraordinaire moment de partage avec ces animaux sensibles.
Gabrielle aime beaucoup les ânes. (Crédit Guillaume Milette)
Normand et Christiane, chez Ânecdotes.
Le meilleur du monde à Knowlton
Nous reprenons le lendemain la route sur quelques kilomètres en direction du village de Knowlton, où nous faisons connaissance avec Jeremy Reeves, le conservateur du Musée Lac-Brome. Le jeune homme arbore le look de l’emploi : veston de tweed, mouchoir de poche et pince à cravate en bois. Au-delà des vêtements, c’est sa contagieuse passion de l’histoire qui le rend parfait pour parler des différents bâtiments et expositions du musée, et surtout de l’exceptionnel avion allemand datant de la Première Guerre mondiale : « Notre Fokker D.VII attire des amateurs de partout dans le monde, s’enorgueillit Jeremy Reeves. Sur les sept exemplaires encore restants sur la planète, le nôtre est celui qui comporte le plus haut taux de pièces d’origine. » Le guide nous explique que ce modèle d’avion était considéré comme le meilleur, à l’époque, et que la plupart ont été démontés par les Alliés après la guerre… afin d’en comprendre le mécanisme ! « C’est un privilège d’avoir sous les yeux un tel objet tous les jours », ajoute Jeremy Reeves non sans émotion. Le privilège tire à sa fin, puisque notre hôte va quelques semaines plus tard poursuivre ses études doctorales en armures médiévales à New York. Comme je l’écrivais : le vrai look de l’emploi !
« Vous devriez coller… ! »
Crédit Guillaume Milette
De Knowlton, nous joignons le chemin de Glen qui se transforme en grisante descente sur la pierraille de la montée de Baker Pond. De retour sur une surface dure, nous tournons vers le sud tandis que s’étale à notre gauche le grand lac Memphrémagog reflétant le soleil comme un gigantesque miroir, et que devant nous se dresse le mont Owl’s Head, dont la station de ski se trouve une douzaine de kilomètres plus loin. Juste avant de l’atteindre, nous virons à droite vers Potton par le chemin de Vale Perkins, et nous nous arrêtons pour la nuit au Camping Nature Plein Air. Là, Serge Lehouillier nous réprimande gentiment : nous ne passons pas assez de temps dans la région pour en profiter correctement ! « Vous devriez coller ici une fin de semaine ! » soutient celui qui accueille régulièrement des aficionados de kayak sur la rivière Missisquoi.
En matinée, nous grimpons le superbe et quelque peu vertical chemin Scenic – montée populaire parmi les cyclistes routiers –, avant de redescendre en trombe vers Sutton. C’est dans cette ville que nous rencontrons Lyne Bessette, ancienne coureuse cycliste et alors députée fédérale. Non loin du tronçon de la Route verte qui porte son nom, elle nous confie rouler maintenant le plus souvent sur des chemins de gravier, beaucoup plus tranquilles, et omniprésents dans les Cantons-de-l’Est. « C’est certain que les côtes d’ici ont fait de moi une cycliste aguerrie », soulignet-elle en plissant les yeux de bonheur.
De toutes les couleurs
Nous revenons à Bromont par le chemin de la Vallée et celui de Brome. Sur les larges accotements, nous croisons des dizaines de groupes vêtus autant d’élasthanne que de coton. À destination, les rues de la ville sont bondées de cyclistes venus savourer ce weekend de début d’été. Sur une proportion considérable des toits d’autos s’élèvent fièrement sur l’horizon vélos de route, de gravelle et de montagne.
La route est ici plus que verte. Elle se déploie en asphalte, en gravier, en terre, et même en bois dans le nouveau vélodrome. Dans les Cantons-de-l’Est, le paysage cycliste se décline en de multiples couleurs.
Repères
Itinéraire: 146 km en trois jours. Voir sur Google Maps.
Dénivelé: 1400 m
MES BONNES ADRESSES
- Le Centre national de cyclisme de Bromont (400, rue Shefford, Bromont) loue des BMX et des vélos de montagne et enseigne ces deux disciplines.
- À l’asinerie Ânecdotes (107, chemin Bailey, Bolton-Ouest), vous partagerez le quotidien d’adorables ânes.
- Le Musée Lac-Brome (130, rue Lakeside, Knowlton), géré par la Société historique du comté de Brome, abrite la maison originale de Paul Holland Knowlton et présente dans son complexe plusieurs expositions intéressantes, dont celles relatant la Première Guerre mondiale.
- Le Camping Nature Plein Air (2733, chemin de la Vallée-Missisquoi, Potton) et son aimable personnel proposent des tours de kayak pour tous sur la rivière Missisquoi, sous les rayons de sublimes couchers de soleil.
- Au Diable Vert (169, chemin Staines, Sutton) fournit un hébergement unique en nature, dont des cabanes dans les arbres.
- La ville de Sutton a tracé divers circuits touristiques à parcourir en lisant des pancartes explicatives ou à l’aide d’audioguides gratuits.
Le Bon monde de la Route verte est une websérie en 10 épisodes, que j’ai produite pour Vélo Québec. Tous les épisodes sont disponibles gratuitement ici.
Impossible de manquer le vaste parc de la Gatineau qui, sur la carte de l’Outaouais, s’élargit comme la fumée d’un feu de camp. En le combinant aux voies cyclables de la Route verte, j’ai été attiré par ses nombreux sentiers, lacs et étendues de forêt qui semblaient m’inviter personnellement.