Montréal : une île et son fleuve à vélo

L’île de Montréal compte près de 1000 km de pistes cyclables. À travers de grands parcs, sur quelques ponts et le long du fleuve et de canaux, j’en ai parcouru cinquante.

Cet article a d’abord paru dans l’excellent magazine Vélo Mag, édition octobre 2021. Vous trouverez aussi une vidéo produite pour la websérie de la Route verte au bas de l’article.


Je commence ma boucle à la Maison des cyclistes. Siège de Vélo Québec depuis 1994, l’endroit s’est refait une beauté en 2018 pour accueillir et restaurer toute la gamme des cyclistes de la métropole. Je me délecte d’un cortado et d’un sandwich au saumon fumé avant de m’élancer dans le grand parc La Fontaine, de l’autre côté de la rue.

Je m’amuse sur les modules du Jardin du petit monde à bicyclette, un parc d’éducation cycliste, puis dépasse quelques dames pratiquant le yoga sous l’ombre des arbres. En quelques coins de rue, je grimpe déjà le pont Jacques-Cartier afin de traverser une première fois le fleuve. Je m’arrête un instant durant la montée pour admirer quelques édifices iconiques de la ville, dont ceux de la brasserie Molson et des ancienne et nouvelle maisons de Radio-Canada.

 

Les îles

Je bifurque ensuite vers l’île Sainte-Hélène, où les bruits de la circulation s’estompent aussitôt pour laisser place aux chants des oiseaux et au bruissement des feuilles. L’île a ainsi été nommée par Samuel de Champlain en 1611, en l’honneur de sa jeune épouse, Hélène, alors qu’il explorait le fleuve à la recherche d’un endroit où établir une nouvelle colonie. Un parc public y fut créé en 1874, accessible seulement par traversier jusqu’à la construction du pont Jacques-Cartier en 1930. L’île Sainte-Hélène fut ensuite agrandie en prévision de l’Expo 67, alors que l’île Notre-Dame voisine sur laquelle je continue fut créée de toutes pièces.

À deux pas du centre-ville de Montréal, l’île Sainte-Hélène est parfaite pour écouter le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles. (crédit Guillaume Milette)

Malgré toute la terre issue de l’excavation du métro de Montréal et les quelques millions de tonnes de remblais provenant de carrières, il manque de matériaux et de temps pour terminer le site avant l’Expo. La solution est des plus magnifiques : des lacs et des canaux sont laissés au centre des îles. Je fais le tour de ceux-ci par la Route verte, qui emprunte ici le populaire circuit Gilles-Villeneuve. Je tente même de m’accrocher à un peloton féminin en plein entraînement, mais je me fais larguer en une quinzaine de secondes à peine.

Parmi la vaste flore de l’île Sainte-Hélène.

Parmi la vaste flore de l’île Sainte-Hélène. (crédit Guillaume Milette)

Accès au fleuve par la piste cyclable des Berges, à LaSalle.

Accès au fleuve par la piste cyclable des Berges, à LaSalle. (crédit Guillaume Milette)

Les berges

En continuant vers le sud sur la bande de terre qu’est la Petite voie du fleuve, j’ai le Saint-Laurent à ma droite et la voie maritime à ma gauche. J’utilise la longiligne estacade du pont Champlain – son brise-glace – pour revenir vers Montréal. Je traverse Verdun puis LaSalle par la piste cyclable des Berges, la plus belle de Montréal selon Hugo Lavictoire, propriétaire de KSF Montréal, où on peut louer des kayaks, planches de surf et planches à pagaie.

À sa suggestion, je m’arrête à la vague à Guy et cause un brin avec les nombreux surfeurs de rivière. Je leur demande à la blague comment les vagues montréalaises se comparent à celles de Sydney ou de Rio de Janeiro. À ma grande surprise, personne ne rougit de la comparaison.

« L’avantage de Montréal est qu’on peut y surfer tous les jours et en toutes saisons », m’affirme la légende locale, Jérémie Gauthier-Lacasse. Sa combine (isothermique) suit ses babines : il surfe ici environ 300 jours par année !

Quelques bébés bernaches dans l’herbe des parcs riverains.

Quelques bébés bernaches dans l’herbe des parcs riverains. (crédit Guillaume Milette)

Montréal est aussi une place pour le surf. Ici, Jérémie Gauthier-Lacasse glisse sur la vague à Guy.

Montréal est aussi une place pour le surf. Ici, Jérémie Gauthier-Lacasse glisse sur la vague à Guy. (crédit Guillaume Milette)

Un passage vers Lachine

Les belvédères donnant vue sur les rapides de Lachine et le lac Saint-Louis s’alignent au fil de ma route. À LaSalle, j’arrête lire la pancarte patrimoniale au moulin à vent Fleming. Datant de 1827, il est un des derniers encore debout. Son apparence conique et sa construction en vieilles pierres des champs donnent des airs campagnards à l’arrondissement.

Au bout du boulevard LaSalle, j’arrive au Musée de Lachine. Celui-ci est notamment établi dans la maison Le Ber-Le Moyne, le plus ancien bâtiment complet de la métropole. Dans cette construction réalisée entre 1669 et 1671, j’y découvre une panoplie d’objets qui ont façonné la vie des autochtones, paysans, bourgeois, Français, Britanniques et Canadiens ayant foulé ces terres. C’est aussi en 1669 que la seigneurie Côte-Saint-Sulpice a été octroyée à René-Robert Cavelier de LaSalle. Ce dernier passait cependant tellement plus de temps à chercher un passage vers l’Asie qu’à s’occuper de sa seigneurie que ses terres leur ont valu le sobriquet de La Chine.

Dualité au Vieux-Port

Le soleil descendant à l’horizon, je m’engage, à la sortie du musée, sur la populaire piste du canal de Lachine (inaugurée en 1977) en vue de revenir à mon point de départ. La journée a été chaude et la piste autant que les parcs sont bondés. Je me retiens d’arrêter pour de la crème glacée, étant déjà en retard pour mon rendez-vous avec Diego Salamone devant la basilique Notre-Dame. Cet Argentin devenu Montréalais a suggéré ce lieu de rencontre. Celui qui avait fondé une compagnie de tours de ville à vélo à Buenos Aires opère maintenant Fitz Montréal dans le même dessein ici.

Sur la charmante piste cyclable du canal Lachine. (crédit Guillaume Milette)

Diego Salamone, un Argentin devenu Montréalais, offre des tours guidés à vélo dans la métropole.

Diego Salamone, un Argentin devenu Montréalais, offre des tours guidés à vélo dans la métropole. (crédit Guillaume Milette)

Il me prouve que, même lorsqu’on croit connaître une ville, il reste toujours des curiosités à découvrir. Sur la place d’Armes, il pointe du doigt la double sculpture Le caniche français et le carlin anglais, une création de Marc André J. Fortier. Aussi appelée Les deux snobs, cette œuvre en bronze, où chacun des deux personnages tient dans ses bras un chien lié à sa culture, représente la dualité linguistique de la métropole. Si l’homme et la femme évitent de se regarder en levant le nez en l’air, leurs chiens, eux, tentent de s’échapper de leurs maîtres pour aller jouer ensemble.

Sous une fabuleuse lumière dorée qui fait rayonner les longs cheveux de mon guide, je me dis qu’il n’y a pas mieux qu’un hispanophone ayant appris le français par amour d’une Québécoise pour me raconter cette histoire.

Tant à voir

Montréal n’est probablement pas la première destination qui vient en tête lorsqu’on pense à la Route verte, qui sillonne les quatre coins du Québec. Mais avec autant de kilomètres de pistes cyclables, et encore plus de rues tranquilles, les possibilités de découvertes sont presque infinies.

Chaque kilomètre contient une panoplie de petites et de grandes histoires, et le plus difficile a été pour moi de ne pas m’arrêter constamment afin d’en apprendre davantage. Je reviens à la Maison des cyclistes quelques minutes avant la fin du jour. Mes cinquante kilomètres montréalais m’auront pris pas moins de douze heures !

Repères

Itinéraire: Une boucle de 50 km en une journée. Voir sur Google Maps.

MES BONNES ADRESSES

  • Au croisement des pistes cyclables Brébeuf et Rachel, on trouve la Maison des cyclistes, siège de Vélo Québec et lieu de rencontre, ainsi que Fitz Montréal, qui offre des tours de ville guidés à vélo.
  • À quelques minutes du centre-ville de Montréal, le parc Jean-Drapeau propose une panoplie d’activités sportives et culturelles, ou simplement un bel endroit calme où s’arrêter.
  • KSF Montréal, à LaSalle, donne des cours de surf, de kayak et de SUP, en plus de louer de l’équipement. La vague à Guy se trouve à 1 km plus au sud-ouest.
  • Ouvert durant la saison estivale, le Musée de Lachine présente quelques expositions permanentes et temporaires sur le quotidien des habitants au cours des 350 dernières années.

Le Bon monde de la Route verte est une websérie en 10 épisodes, que j’ai produite pour Vélo Québec. Tous les épisodes sont disponibles gratuitement ici.