Fantastique descente vers Taipei

Tout ce qui monte doit redescendre. Et au paradis taïwanais du vélo, même descendre est plus épique qu’ailleurs.

Je me réveille au matin d’une nuit froide au sommet du mont Wuling, après ma montée de trois jours. Le campement paqueté, je n’ai qu’à me laisser descendre. Et quelle descente !! Dans ces deux journées de descente vers la capitale Taipei, je n’ai dû pédaler que quelques kilomètres sur plus de 150 au total !

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11e crevaison

L’une des questions que l’on me pose le plus souvent est mon nombre de crevaisons depuis le début. Je n’en fais qu’assez rarement en fait, mais ma onzième depuis le départ arrive à un moment assez peu opportun. J’attends depuis quelque temps à une barrière bloquant le chemin. À cause de la construction, la route n’est ouverte que 10 minutes à chaque deux heures. J’ai été chanceux en arrivant seulement 20 minutes avant sa prochaine ouverture. J’en ai profité pour réparer mon frein arrière qui ne fonctionnait plus (assez pratique en descendant).

Mais alors que la barrière s’ouvre et que les automobilistes commencent à passer, un jeune homme en moto me pointe mon pneu arrière. J’ai une crevaison… la première depuis presque 10 000 km ! Et j’ai environ 7 minutes pour la réparer où je devrai attendre un autre deux heures. Sous le regard amusé du garde, je n’ai jamais changé une chambre à air aussi vite de ma vie !

Je suis à bout de souffle d’avoir poussé vigoureusement sur ma petite pompe manuelle aussi rapidement. Par chance, je me relance dans une nouvelle descente grisante.

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Quelques coups de pédales

Je descends presque constamment sans pédaler. En passant le village de Lishan, juché sur une crête, et ses dizaines de kilomètres de champs de fruits, j’ai une pensée pour la Géorgie, que j’ai traversée il y déjà plus de deux ans. Que de paysages vus depuis !

Les terrains sont si abruptes ici que les fermiers ont installé un peu partout des systèmes de rails pour rejoindre leurs champs, et transporter le matériel de la route aux plus hautes ou plus basses altitudes.

Quelques courtes montées se plantent devant moi mais je les traverse debout sur mon vélo pour mieux descendre de l’autre côté à nouveau. En dévalant sur des lacets pavés de soie, je fonce à travers des nuages qui remontent littéralement la montagne à contre-sens. À chaque ouverture de cet épais brouillard, je suis envahi par des tableaux de verdure. La végétation humide sent fort la terre, comme une forêt après la pluie. J’enlève mes écouteurs pour profiter du silence des montagnes. Seuls le vent et le roulement de mes pneus qui s’amusent viennent alors murmurer à mes oreilles.

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Des conifères, je passe aux feuillus. Du thé et des pêches, je passe aux légumes à mesure que les flancs se redressent dans la vallée. Les laitues sont particulièrement omniprésentes. La vallée déborde de millions de ces feuilles comestibles. Le long de la route apparaissent aussi des dizaines de gros tuyaux transportant de l’eau. Je comprendrai au prochain village que l’eau des montagnes est amenée directement aux maisons et aux champs pour l’agriculture. Il y a pratiquement un tuyau unique pour chaque usage.

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 Un dernier mur

La chaleur tropicale revient malheureusement rapidement à mesure que je descends. C’est incroyable comment la pression de l’air a un effet important sur la température. Mes pores la sente d’ailleurs comme jamais lorsque je quitte le village de Yilan, au bord de mer, pour affronter un dernier mur. Je laisse une flaque de sueur à chaque fois que m’arrête. Et même m’éponger constamment et changer souvent de chandail n’y change rien.

Mais une fois de plus, la difficile ascension de 600 mètres d’altitude en seulement quelques kilomètres se fait rapidement oublier au sommet. Je ne pédale à nouveau presque pas pour 25 kilomètres et j’ai l’impression de faire de la moto. Je ne suis visiblement pas le seul à trouver ce chemin agréable. Je me fais justement dépasser par quelques dizaines de motocyclistes venus profiter de la campagne tout près de la ville.

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Dans une dernière descente, je lance un dernier coup d’oeil vers les montagnes. J’entre à Taipei, ville de quelques millions d’habitants. Mais si la capitale est aussi agréable que le reste du pays, je ne m’y ennuierai pas.