De nouveaux circuits gourmands à vélo par O’Ravito

Le meilleur café de Lévis offre maintenant des tours gourmands à vélo en direction de quatre producteurs coups de cœur de la région. J’ai fait le tour avec la propriétaire Ann-Rika Martin.

J’ai rencontré Ann-Rika Martin, propriétaire du O’Ravito Café Relais à Lévis, lors du tournage du premier épisode de la websérie Le bon monde de la Route verte.

La sympathique gagnante de l’émission Les Chefs, à Radio-Canada, prépare tout ce qui est offert à son café : de la moutarde au pain en passant par la limonade. Pour ses produits spécialisés, elle s’approvisionne aux producteurs agroalimentaires de la région. Ce sont ces derniers qu’elle souhaite faire découvrir cet été grâce à de tous nouveaux tours cyclistes d’une journée.

De juillet à septembre, quatre producteurs ouvriront leurs portes à quelques reprises aux invités d’Ann-Rika, qui pédaleront environ 30 à 90 km selon la destination. Entre autres au menu : gin, cidre, pommes, bleuets, camerises, canard. Les destinations ont trouvé place au calendrier en fonction des meilleurs moments pour l’autocueillette.

Chaque fois, un encadreur cycliste guidera le petit groupe. Un véhicule les accompagnera aussi — parfois conduit par Ann-Rika elle-même — pour transporter les effets personnels, le lunch fourni et ramener les achats.

La douzaine de tours gourmands offerts au public sont détaillés ici. Des réservations privées peuvent également être faites en communicant avec Ann-Rika.

Pour vous aider à mieux faire votre choix, je me suis moi-même élancé avec la cheffe dans les quatre tours offerts :

  1. DISTILLERIE DES APPALACHES

  2. CIDRERIE LE SOMNAMBULE

  3. CAMERISES SAINT-PHILIPPE

  4. CANARD GOULU

Ann-Rika et moi arrivons à vélo chez Camerises Saint-Philippe.


DISTILLERIE DES APPALACHES

Comme tous les itinéraires proposés, celui vers la Distillerie des Appalaches part du Café O’Ravito, situé à Saint-Romuald. Toute la route suit le parcours des Anses, l’une des sept pistes cyclables de la région de Chaudière-Appalaches.

En chemin, vous arrêterez également au musée du chantier naval A.C Davie ainsi qu’à la maison natale du poète et dramaturge Louis Fréchette. Des explications sont données par des guides à ces deux endroits.

Le parcours des Anses traverse tout Lévis en suivant le fleuve et offre de belles vues sur Québec.

Le paysage devient forestier à l’approche de la distillerie.

À la Distillerie des Appalaches, Fabiola, la représentante des ventes, restauration et événements, nous fait faire la tour. Tout est lustré et neuf dans l’entreprise fondée il y a quatre ans. La boutique où les nombreux produits sont présentés a été complétée dans la dernière année.

Les gins portent l’appellation Kepler (du nom de l’astronome allemand) et les fabuleuses étiquettes, créées par l’artiste Pier-Olivier Caouette, ont toutes des thématiques de l’espace. Le gin Alphonse, quant à lui, est non alcoolisé et un incontournable dans l’armoire personnelle d’Ann-Rika. On trouve aussi un succulent amaretto Forêt noire (qui goûte véritablement le gâteau du même nom !) ainsi que des whiskies à base de scotch écossais.

La pièce voisine à la boutique sert à la distillation. Fabiola nous explique que les infusions sont faites à partir de fruits frais, de sapin baumier et, évidemment, de genévrier en ce qui concerne le gin. L’embouteillage et l’étiquetage est fait sur place, de façon automatisée. « Mais le plastique qui recouvre le bouchon est encore une opération manuelle pour l’instant ! » précise Jorge, un souriant chilien établi au Québec depuis sept ans. Ses yeux s’illuminent de fierté lorsque je lui parle de ma traversée à vélo de son pays d’origine.

Le produit préféré de Fabiola est le gin Stellaire, au goût fruité produit à partir de framboise noire, d’orange sanguine et de citron. Mais les gins les plus populaires à la distillerie sont le Bord de mer (fraise, rhubarbe, concombre, algue wakamé) ainsi que le Céleste (pêche blanche, poire et basilic sacré). Je lève le sourcil au dernier ingrédient. « Oui, oui, me confirme Mathieu, sourire en coin, un prêtre vient bénir nos batches une fois par semaine ! »

Jorge, entouré de bouteilles prêtes à être remplies et étiquettées.

Mathieu, Jorge, Fabiola et Luc.


CIDRERIE LE SOMNAMBULE

À deux pas de la rivière Etchemin et tout juste en retrait de la cycloroute de Bellechasse se trouve la Cidrerie le Somnambule.

L’endroit était déjà verger et vignoble depuis plus de 30 ans avant d’être acheté par Émile Robert et Ève Larouche Laliberté. « On a été chanceux avec les taux d’intérêts ! » rigole Émile, qui a tout juste 33 ans est propriétaire depuis déjà sept ans.

Ann-Rika ne tarit pas d’éloges au sujet des producteurs. « Ils sont vraiment impressionnants », me dit-elle.

En à peine sept ans, ils ont créé des produits qui se démarquent vraiment et on les trouve dans les plus grands restaurants gastronomiques du Québec.
- Ann-Rika Martin

Si le verger a gardé un certain côté agrotouristique et qu’il est toujours possible en saison d’y faire de l’autocueillette de pommes et de bleuets, Émile et Ève ont été parmi les premiers en province à faire partie d’une nouvelle vague de cidrerie. « Nous nous sommes inspirés de ce qui se faisait pour les vins nature et les microbrasseries », me confie Émile. Chacun de leurs produits a une signature visuelle forte, qui part d’un dessin ou d’un tableau.

Leur gamme de quelque 25 produits comprend des cidres secs, semi secs ou plus fruités. Plusieurs portent aussi l’appellation « nature ». « On aurait pu les faire tel quel il y a 2000 ans, s’enorgueillit Émile. On utilise des levures indigènes et 100% des pommes utilisées viennent d’ici. On n’ajoute rien d’autre. » Dans tous les cas, c’est la fermentation naturelle, et pas l’ajout de gaz carbonique, qui crée les pétillantes bulles. Chaque cidre nécessite entre six et 18 mois pour prendre vie.

Émile Robert est propriétaire, avec sa conjointe Ève Larouche Laliberté, de la Cidrerie Le Somnambule.

Une partie des quelque 25 produits créés à la ferme

Émile Robert ma partage les hasards qui l’ont amené à créer des cidres. Entre le cégep et l’université, il a travaillé dans les vendanges près de Bordeaux, en France. Après une maîtrise en chimie, il poursuit au doctorat où on lui propose d’étudier les arômes du cidre au Québec. En même temps qu’il s’inquiète du peu de débouchés professionnels qui concluront ses années de recherches, il se rend compte de nombres d’opportunités d’affaires dans le domaine. Il laisse tomber la recherche pour une expérience plus pratique. Sa conjointe Ève, alors sociologue, embarque avec lui dans l’achat des trente hectares de pommes, vignes et bleuets. « C’est la colle de l’entreprise ! » dit avec passion Émile de sa partenaire d’affaires et de vie.

Outre sur place à la cidrerie de Saint-Henri, on peut trouver les produits dans une centaine de points de vente au Québec en plus du réseau de la SAQ. L’un de leur produits phare est le Céleste, aromatisé aux bleuets.

Émile regarde sa montre et s’excuse de devoir nous quitter prestement pour aller chercher sa fille. « Quel âge a-t-elle ? » que je lui demande. « Bientôt deux ans, elle est née en septembre… en même temps que les pommes ! »


CAMERISES SAINT-PHILIPPE

Un arrêt obligé est le cyclomur de Bellechasse, des deux côtés de la cycloroute éponyme longue de 74 km. Construit il y a déjà une décennie, le cyclomur consiste en deux façades décorés de vélos remontant jusqu’aux années 1950 et 1960, offerts par les citoyens des villages avoisinants.

Presque tout de suite après, à Saint-Anselme, Ann-Rika et moi tournons vers la Ferme Camerises Saint-Philippe, du nom du rang sur laquelle elle se trouve. On y trouve Denis Carrier, propriétaire avec sa conjointe Nancy Jacques de 200 acres, dont onze où sont cultivés les camerises.

Le cyclomur de Bellechasse

Et l’autre côté du cyclomur de Bellechasse

Ann-Rika sur la soyeuse cycloroute de Bellechasse

Denis nous invite à prendre place autour d’un manucuré cercle de pierres en bordure de ses longues rangées de fruits. La ferme de son père a très longtemps été laitière. « J’ai pris la relève de mon père à 22 ans, me raconte Denis, et j’ai tiré du lait pendant 35 ! » Mais le fermier voulait une plus grande relation avec ses clients, rencontrer ceux qui consomment ce qu’il faisait pousser. Avec le lait, et même les céréales, c’était chose impossible.

Il a d’abord eu le bleuet en tête. « Un bleuet, c’est sauvage, ça ne se cultive pas ! » lui avait répondu sa mère. « Tu aurais dû voir ma face quand j’ai vu mes premiers grands champs de bleuets ! se souvient Denis. J’ai tout de suite appelé ma mère ! » Mais le marché était, selon lui, déjà saturé. « Vers 2012, il y en avait dans tous les rangs ! » 

Il se tourne vers la camerise, une variété de chèvrefeuille domestique, de la même couleur que le bleuet mais de forme plus longue. Les variétés québécoises étaient peu appréciées avant les croisements faits par l’Université de Saskatchewan avec d’autres fruits de Russie et du nord du Japon. Ce n’est que depuis 2007 que le fruit a commencé à être cultivé chez nous.

Denis mets ses premiers plans en terre en 2014 et s’en occupe trois ans avant de voir apparaître les premiers fruits. « Et les p’tits criss de jaseurs des cèdres les ont tous mangés ! » s’exclame-t-il. L’agriculteur m’explique que les oiseaux qui ingèrent trop de fruits s’intoxiquent et « agissent comme des gars chauds ».

Je faisais des longueurs en quatre-roues entre les rangs pour essayer de faire peur aux jaseurs et sauver ma récolte. Il y en a un qui me suivait et me regardait calmement. Il me bavait le sacrament !

Depuis, des filets ont été installés par-dessus les plans. Et la malheureuse anecdote a donné son nom à la délicieuse liqueur de camerise produite sur place : le Voleur !

Une poignée de camerises séchées

Denis Carrier et sa bouteille nommée en l’honneur du pire ennemi du petit fruit, le jaseur des cèdres ou jaseur d’Amérique

La cycloroute de Bellechasse passe directement la ferme.

Dans ses premières années de production, Denis Carrier devait également travailler à faire connaître le nouveau fruit. « La camerise, ça ne se garde qu’une journée ou deux, il faut la congeler tout de suite. Alors je faisais le tour des restaurants de Québec avec ma glacière et leur faisait goûter sur place. »

Ann-Rika est l’une de celle qui a adopté la baie. « En entrée avec du canard, c’est exquis ! En chutney ou confiture aussi. Et comme le fruit est assez acide, ça ne devient jamais trop sucré. »

L’un des produits de la ferme : de la vinaigrette à la camerise

Et du confit d’oignons aux camerises.

Sur place à la ferme, il est possible de faire de l’autocueillette, environ vers la fin août. La boutique contient aussi plusieurs produits, de la vinaigrette au confit, en passant par la bière et le vin. « Les alcools, c’est la faute à Nancy ! » dit Denis en rejetant le « blâme » sur sa conjointe. Les premiers vins, faits avec des « petits kits de levure et des recettes de grand-mère », s’avère mieux qu’anticipé. Le couple décide de persévérer dans cette voie. Avec les résidus de fermentation en alambic est ensuite fabriqué le gin et la liqueur.

Leur gin est appelé Saisie 38 en l’honneur d’une importante perquisition faite à la grange derrière la ferme, à l’époque de la prohibition. « Neuf hommes ont été arrêtés, raconte le bavard Denis. Des gars de New-York, du Nouveau-Brunswick, du Maine et d’ici. » Son père avait alors 16 ans et, selon ses souvenirs, il trouvait ça « bizarre que les gars parlaient juste anglais » ! L’étiquette de la bouteille de Saisie 38 est décorée d’articles de journaux d’époque. « Ils devaient 100 000$ en taxe d’assise (en 1938), prononce Denis, c’était vraiment une grosse opération. »

La ferme ayant le titre de producteurs artisanal, ses produits d’alcool ne sont vendus que sur place. Raison de plus pour les visiter. Je suis moi-même reparti avec une bouteille du fameux Voleur. Et me suis acquitté de toutes mes taxes.

Terego

Quelques VR membres de Terego.ca étaient stationnés sur le terrain de Denis et Nancy. Cet organisme offre pas moins de 1400 stationnements pour VR partout au Canada, chez des artisans, microbrasseries, vignobles, vergers, érablières et fermes en tous genres. Une belle alternative aux grands campings.

Les fruits sont protégés des oiseaux jaseurs par des filets.


CANARD GOULU

La route vers la ferme du Canard Goulu nous fait d’abord traverser l’impressionnante passerelle de la rivière Chaudière. À 23 m au-dessus des flots, on ne peut faire autrement que de s’arrêter pour contempler les puissantes chutes. La majorité du chemin se passe ensuite sur le parc linéaire de la MRC de Lotbinière. À Saint-Agapit, l’accotement de la route 273 amène les cyclistes jusqu’au producteur.

Si vous choisissez cette visite, vous trouverez là le propriétaire Sébastien Lesage, qui explique avoir troqué en 1997 la toge d’avocat pour la chemise à carreaux. Peut-être en souvenir des canards qu’il élevait, enfant, dans l’étang chez ses parents.

L’entrepreneur possède aujourd’hui trois fermes, un abattoir artisanal sous inspection permanente, une usine de transformation alimentaire et deux points de vente en plus de la boutique à la ferme de Saint-Apollinaire.

L’itinéraire vers le Canard Goulu passe par l’impressionnante passerelle de la rivière Chaudière.

Le délicieux lunch maison préparé par Ann-Rika

L’abattoir et l’usine de transformation sont situées directement à la ferme et la majorité des produits sont ainsi préparés sur place.

La ferme n’est pas en manque de produits différents. Surtout de canard, bien sûr. Des produits cuisinés, des conserves et de la viande fraîche. Rillettes, bouillon, saucisses, foie gras et pâté, terrine, magret. On trouve même des steaks de canard, des cuisses de canard et des ailes de canard BBQ.

Parmi les produits dérivés, j’ai trouvé un livre de recette et quelques savons artisanaux.

 

Livre de recette (crédit @lecanardgoulu)

Savon artisanal (crédit @lecanardgoulu)

Sauce au foie gras de canard, parfaite pour la poutine ! (crédit @lecanardgoulu)