Des gens vont mourir... mais tant pis

Ce sont les paroles du président brésilien, Jair Bolsonaro, qui à l’instar de son homologue de nos voisins du sud ne comprend pas tout à fait le problème actuel. Ou au contraire, il le comprend parfaitement bien et désire des conséquences bien différentes pour son pays.

J’ai parlé hier en FaceTime avec une amie qui habite São Paulo au sud du Brésil, la plus grande ville d’Amérique du Sud avec ses 12 millions d’habitants. Elle est excessivement inquiète pour le futur rapproché de sa région et de son pays et n’avait que des mots durs envers son président populiste. Elle m’a expliqué le plan de Bolsonaro selon elle. « Mais je ne peux le dire publiquement. Je n’ai pas de preuves et je pourrais subir des représailles. »

Tout comme Trump qu’il admire, Jair Bolsonaro souhaite que son pays reprenne le plus rapidement possible sa vitesse de croisière. « Le groupe à risques, c’est celui des personnes de plus de 60 ans. Alors pourquoi fermer les écoles ? » demandait mardi dernier (cité dans La Presse). Il a même récemment déclaré que les Brésiliens sont un peuple naturellement immunisé aux maladies.

Selon mon amie, le plan de son président est en fait de se rendre le plus rapidement possible à 60% de la population qui aurait contracté le virus. Le contraire d’aplatir la courbe dont tout le monde parle. À ce point, son pays serait théoriquement immunisé et pourrait reprendre un semblant de vie normale. Mais cela aurait évidemment des conséquences dramatiques.

« Nous sommes 210 millions au Brésil, dit mon amie. Disons 200. À 60% qui ont le virus, on parle de 120 millions. Si 5% de ces gens ont besoin d’un respirateur, c’est encore 6 millions de personnes. Nous en avons présentement 23 000 dans tout le pays… »

Bolsonaro subissait déjà des pressions internationales l’an dernier durant les graves incendies en Amazonie. Il n’est pas davantage reconnu comme un défenseur des droits sociaux que pour ses positions environnementales.

« Ça fait partie de son plan, continue mon amie. 1,5 millions de personnes vont mourir s’il réussit. Surtout ceux qui habitent dans les favelas, qui reçoivent de l’aide sociale ou des pensions de retraite. Ceux n’apportent rien à la société selon lui. »

La situation n’est pas claire présentement dans le plus gros pays d’Amérique latine. Surtout parce que le président est relativement isolé même parmi ses anciens supporteurs. Les maires et les gouverneurs suivent les recommandations scientifiques plutôt que celle de leur chef d’état. Mais c’est lui qui a le pouvoir de libérer des sommes d’argent pour venir directement en aide à la population. Bolsonaro en réponse à cette mutinerie a déclaré que ces maires et gouverneurs sont des « criminels qui détruisent le Brésil ».

Le gouverneur de l’état de São Paulo a rétorqué qu’il y a plus de 7 millions de citoyens de plus de 60 ans dans son seul état. « Est-il légitime de les abandonner ? ».

C’est exactement ce que croit Bolsonaro.

 
Des gens vont mourir, j’en suis désolé, mais tant pis.
— Jair Bolsonaro, à la télévision brésilienne
 

De l’autre côté de cette crise, l’économie brésilienne serait la première à reprendre, les plaçant ainsi en position favorable. Le système social aurait en même temps été délesté d’un « poids mort » par tous ces morts n’ayant pu payer de soins de santé privés. « Et qui se rappelle des morts lorsque la guerre est finie ? », conclut mon amie.

Rio de Janeiro au sud du Brésil. La séparation entre les riches (à droite) et les pauvres (à gauche) est criante et peu subtile.

Rio de Janeiro au sud du Brésil. La séparation entre les riches (à droite) et les pauvres (à gauche) est criante et peu subtile.