Des échos de Cantley

Des questions et réponses pour le journal L’Écho de Cantley, où j’irai (peut-être) présenter mes histoires le 31 mai prochain.

Avant que toute cette crise du corona ne survienne, le Petit Café de Cantley en Outaouais m’avait invité à aller y présenter mes aventures. La date avait été réservée pour le dimanche 31 mai. Afin de mousser un peu l’événement, un article a été écrit dans le journal local. Évidemment, tout est un peu en suspens maintenant et nous aurons à confirmer ou non dans quelques semaines si la présentation aura lieu. Malgré tout, mes réponses ne changent pas aux questions et l’article vient d’être publié dans l’édition d’avril.

Pour vous qui n’habitez pas à Cantley, voici donc cet article, écrit par Marie-Josée Cusson. Le journal est disponible en entier ici.


L’équipe du Petit Café organise une conférence de style grands explorateurs à la fin mai, mais étant donné la situation mondiale, nous ne savons pas si nos activités seront de retour à la normale. Nous sommes très conscientes des événements actuels et avons bon espoir d’en sortir. Malgré tout, nous aimerions vous présenter notre conférencier, Jonathan B. Roy, que certains connaissent déjà pour ses périples en vélo autour du monde. Nous lui avons posé quelques questions, en espérant que ses réponses vous porteront dans un monde d’aventures...

MJC – Cela fait plusieurs années que tu parcours la planète à vélo. Tu t’es lancé en 2016 en roulant 10 000 km de l’Europe à l’Asie centrale, puis 8 000 km en Asie du Sud-Est en 2016-2017 et 6 000 km en Asie de l’Est en 2018. Décris-nous ton dernier périple, celui en Amérique du Sud, qui a commencé à la fin de 2018.

Page couverture de l’édition d’avril du journal de l’Outaouais.

Page couverture de l’édition d’avril du journal de l’Outaouais.

JBR – Au début de décembre 2018, je suis arrivé à Ushuaia en Terre de Feu argentine. J’ai lentement remonté le Chili et une partie de l’Argentine en suivant la cordillère des Andes. Je suis resté quelque temps à Santiago avant de traverser une fois de plus les montagnes pour aller vers l’est. J’ai donc roulé dans la pampa argentine d’un bout à l’autre du pays jusqu’à Buenos Aires. Puis quelques semaines dans la petite et intéressante Uruguay avant d’entrer au sud du Brésil. Je suis allé jusqu’à Rio avant de rebrousser chemin vers l’ouest en direction du Paraguay. J’ai ensuite complété avec la Bolivie du nord au sud et, dernièrement, environ la moitié du Pérou.

MJC – Qu’est-ce qui t’a donné envie de partir à l’aventure?

JBR – Je voyageais auparavant avec mon sac à dos. J’ai eu le goût d’aller rencontrer les gens et de voir les paysages se trouvant entre les lieux touristiques. Plus difficiles d’accès, je me suis dit que je pourrais y avoir accès avec mon vélo de voyage de la sorte, alors l’idée a pris quelques années à germer.

Et lorsque ma mère est décédée du cancer sans pouvoir réaliser son rêve de visiter l’Italie, je me suis dit que nous ne savons jamais combien de temps nous avons devant nous et que si nous avons un rêve, aussi bien le réaliser plus tôt que plus tard. J’ai alors préparé cette aventure pendant un an et je suis parti en mars 2016.

MJC – L’écart était-il grand entre ton rêve et la réalité d’un quotidien à vélo?

JBR – Les gens croient sou- vent que c’est une aventure qui demande une grande préparation physique. Ce n’est pas le cas. Les premières journées, voire semaines, sont faites pour adapter son corps au poids du vélo mais aussi, et surtout, son mental à tout ce qui est nouveau. Où camper de façon sauvage, quelles routes prendre, comment réagir avec les gens sur la route. Comme pour un nouvel emploi, on apprend quotidiennement à devenir meilleur dans ce qu’on fait.

Et aussi comme un emploi, la nouveauté perd de son charme après quelques mois et années. Je m’habitue à la triste pauvreté, aux bruits des animaux ou des humains la nuit, au flot incessant des camions ou de la circulation des mégalopoles. Et j’ai alors dû me demander pour quelle raison je continuais. Pourquoi je m’imposais de dormir sur le sol froid de l’hiver argentin alors que mon matelas de sol se dégonflait sans cesse. Ou bien pourquoi je roulais dans la cacophonie vietnamienne ou bolivienne. C’est loin d’être rose tous les jours, et j’ai découvert que ma vie, au lieu d’être en ligne droite, était maintenant faite de bien plus de courbes et de hauts et bas. Mais c’est ce qui la rend, d’une certaine façon, bien plus excitante.

Au nord du Vietnam.

Au nord du Vietnam.

Dans l’ouest de l’Argentine.

Dans l’ouest de l’Argentine.

MJC – Quels sont les peuples les plus attachants que tu aies croisés?

JBR – De façon générale, les cultures musulmanes. Turquie, Azerbaïdjan, Malaisie et les pays de l’Asie centrale (notamment l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan). Ils sont plus curieux, plus généreux et reçoivent la visite des voyageurs presque comme un cadeau du ciel. Je recevais sans cesse des invitations à dormir, à manger, à boire le thé, à discuter. Même si l’on ne parlait pas la même langue.

MJC – Le Petit Café veut créer un noyau villageois. Si tu te fies aux différents villages que tu as par- courus, quels seraient les meilleurs ingrédients pour y arriver?

JBR – Le village qui me vient en tête en pensant à fierté d’un endroit est celui de Montes en Uruguay, où j’ai passé environ une semaine. Petite communauté de 2 000 d’habitants à peine, ils organisent chaque année une course de vélo de montagne autour du village qui accueille plusieurs centaines de participants venus des quatre coins du pays. Je pense que l’un des atouts est juste- ment d’avoir quelque chose de rassembleur et qui revient chaque année.

J’ai aussi remarqué que le beau attire le beau, et les déchets en attirent d’autres. Ainsi, la meilleure façon de garder un endroit propre est d’abord de le nettoyer. C’est bien plus difficile de jeter le premier déchet que le 5 000e. Et c’est plus difficile d’ouvrir le premier beau café du village que d’ensuite attirer d’autres beaux commerces.

 
Dans les montagnes du Kirghizistan.

Dans les montagnes du Kirghizistan.