Cyclotourisme en famille: «Envourchons» nos vélos

C’est une chose de partir à l’aventure seul ou en couple, c’en est une tout autre que de s’embarquer en cyclotourisme accompagné d’enfants. J’ai parlé à quatre familles qui démontrent pourtant qu’avec un peu de préparation et d’adaptation, le vélo demeure la plus belle des façons de voyager et de grandir.

Voici la seconde de quatre belles histoires.

Cet article a d’abord paru dans l’excellent magazine Vélo Mag, édition mai-juin 2021.


ENVOURCHONS NOS VÉLOS

Être ensemble, parler espagnol et vivre le bonheur

C’est en filant à pleine vitesse sur la déclivité de la cordillère des Andes au Chili que j’ai croisé Gwenaël Vourc’h, Pascal Sergé et leurs trois petites cyclistes de 5, 7 et 9 ans. J’avais eu l’audace les semaines précédentes de me trouver courageux et persévérant de traverser ces hauts cols à vélo. La rencontre de ces Français de l’Auvergne m’a fait ravaler mes autocongratulations et rapidement rappelé qu’un coup de pédale à la fois, le cyclotourisme est à la portée de tous.

La famille a commencé à songer à cette aventure quatre ans avant le départ. Comme destination de ce voyage de douze mois, c’est l’Amérique du Sud qui a été choisie, car elle permettait d’y passer les quatre saisons sans jamais prendre l’avion, et qu’elle correspondait au critère rêvé de territoire comportant de grands espaces où se rapprocher de la nature. Au final, c’est près de 6000 km que parcourront les cinq cyclistes au Pérou, en Bolivie, en Argentine et au Chili. Une moyenne quotidienne de 20 km sur deux tandems et un petit vélo, avec quelques étapes en autobus ou en traversier. Selon la fatigue, les enfants alternaient sur le vélo individuel.

Laguna Blanca, Province de Sud Lípez, Bolivie 1_1200px.jpg

La citation de Mark Twain me vient en tête lorsque le couple me raconte comment leurs filles ont embrassé ce périple : « [Elles] ne savaient pas que c’était impossible, alors [elles] l’ont fait. » Une journée à la fois, les petites n’ont compris qu’à la réaction impressionnée des autres qu’elles faisaient un grand voyage.

Au quotidien, les paysages défilant de la cordillère des Andes et de la pampa s’entrecoupaient de journées d’école. « Les filles ont été accueillies dans plusieurs classes, relate Gwenaël. Elles s’y sont énormément améliorées en espagnol, en plus de s’y faire des amis de leurs âges. »

En chemin, beaucoup des personnes rencontrés ont assumé le rôle d’enseignant auprès des enfants. « Elles ont appris à filer de la laine, à faire du crochet, à traire les vaches, à jouer de différents instruments et à s’inventer des jeux avec presque rien. »

Les Auvergnats sont aujourd’hui de retour au pays, après cet inoubliable congé sabbatique. « Cette année a été d’une immense richesse pour notre famille, poursuit la mère. Nous avons pu voir évoluer et grandir nos enfants durant ce temps suspendu. » Les fillettes ont gagné en confiance et ont été témoins de la générosité des gens et de la beauté du monde. Elles ont également « perçu la fragilité de la planète. avec les déchets que nous avons vus sur les bords de route, les glaciers qui fondent, et la forêt amazonienne qui recule. »

Naïline apprend à filer la laine au Pérou.

Naïline apprend à filer la laine au Pérou.

Camping hivernal près de Puquio au Pérou.

Camping hivernal près de Puquio au Pérou.

Enfin, signe du succès de l’aventure, lorsque les parents ont demandé aux filles de résumer leur année en un mot, les trois ont respectivement répondu « ensemble », « espagnol » et « bonheur ».

Maintenant que les parents sont de retour au travail et les enfants à l’école, Gwenaël écrit tranquillement un livre sur ce long voyage. Et tous cinq mijotent doucement le prochain périple.

Conseils de Gwenaël Vourc'h

  • Il est important de bien préparer le voyage, en particulier en ce qui concerne la gestion des saisons, et d'éviter les routes passantes.
  • Ralentir, ralentir et ralentir encore. Nous avons choisi de ne pas faire du voyage un exploit sportif, mais une aventure humaine et environnementale. On retient davantage les rencontres que le nombre de kilomètres parcourus.
  • Nous avons dû identifier les barrières qu'on se construit petit à petit dans sa tête... et les lever. Le principal obstacle est mental, tout le reste n'est que détails pratiques.

Le blogue familial contient des sections consacrées spécifiquement à l'expérience des enfants.

Sur une plage près de Chaiten, au Chili.

Sur une plage près de Chaiten, au Chili.