Albanie : au paradis du bikepacking

Les quelque 40 kilomètres de sentiers qui séparent la capitale Tirana de la ville de Croïa au nord se font en une journée. Ils sont aussi assez épiques pour que je me les remémore pendant des années.

En Albanie pour un mois, Gabrielle et moi avons eu la chance de recevoir des amis cyclotouristes de passage par le pays des aigles. Pour quelques jours, nous avons sauté sur l’occasion de leur troquer notre logement de Tirana en échange de leurs vélos et sacoches (pour cet itinéraire).

Les amateurs de pédalage montagnard sont servis en Albanie. Soixante-dix pourcent du territoire est couvert de pics rocheux difficilement accessibles et s’élevant jusqu’à plus de 2 700 mètres. Nous souhaitions éviter les autoroutes et découvrir ce côté plus sauvage du pays des Balkans.

En partant de la capitale, les hauts édifices modernes du centre-ville font rapidement place à une série d’habitations carrées rappelant les 45 années de dictature communiste. Encore en ville, l’asphalte laisse fréquemment place à de la terre battue et les voitures à des ânes et charrettes.

La ville fait rapidement place à la campagne après Tirana.

Une longue montée des deux côtés du lac Bovilla, le réservoir d’eau de la capitale.

Chaque paysage est plus épique que le précédent dans ce pays de montagnes pointues.

Après une quinzaine de kilomètres, la route s’incline vers le lac Bovilla, un réservoir d’un profond azur fournissant la majeure partie de l’eau potable de la capitale. Viennent ensuite une série de lacets serrés nous élevant de 150 mètres en un peu plus d’un kilomètre.

Nous enfonçant davantage sur cette magnifique route pierreuse, nous nous arrêtons un moment discuter en signes et onomatopées avec un berger qui nous offre même des marrons et la possibilité de nourrir ses chèvres. Le ciel est déjà coloré lorsque nous le quittons, dubitatif que nous réussirons à atteindre la même journée Croïa.

Nos vélos de cyclotourisme aux roues beaucoup trop lisses ne sont pas les plus adaptés pour la route cahoteuse. Les onze kilomètres qu’il nous reste pour retrouver le bitume nous prennent quelques heures et énormément d’énergie. Malgré le soleil qui disparaît rapidement derrière les montagnes, je ne peux m’empêcher de m’arrêter à chaque virage, pour admirer les vues sans cesse plongeantes sur de bouillonnant torrents et des vallées aux couleurs d’automne qui varient selon l’altitude.

Un vieux camion abandonné et à moitié démonté en bordure de route.

Gabrielle pousse sur ses pédales pour avancer le plus possible avant la tombée de la nuit.

Quelques heures à pédaler dans la noirceur, avec une seule lampe frontale et une petite lumière arrière rouge.

Lorsque nous reprenons enfin un chemin baptisé, nous sommes presque complètement enveloppés d’une noirceur totale. Les bécanes ne possédant pas de lumière sauf pour une petite clignotante rouge presque entièrement déchargée, j’installe ma lampe frontale sur le casque emprunté de ma bien-aimée. De mon côté, j’insère mon téléphone – lampe de poche au maximum – dans mon pantalon sur ma hanche pour tenter de me faire voir.

Quelques-uns des rares camions qui passent nous offrent gentiment d’embarquer, mais notre fierté « de ne pas tricher » nous fait refuser. Pour les derniers quinze kilomètres, nous grimpons encore un peu avant de dégringoler de près de 500 mètres d’altitude le long de serpentins frôlant d’épiques falaises à peine visibles dans le noir, jusqu’à arriver aux pavés médiévaux de Croïa.

Ce qui reste du château de Croïa (à gauche) et le Musée Skanderbeg illuminé, vu de notre chambre d’hôtel le soir suivant.

Le retour

Après une journée de repos et de visite, nous revenons par un autre chemin, presque aussi remarquable. Nous passons par un ancien pont ottoman, sommes salués par des enthousiastes écoliers en récréation et devons même marcher quelques kilomètres sur un sentier si caillouté que même les chèvres doivent regarder où elles posent le sabot.

Moutons et chèvres égayent notre route.

Ancien pont datant de l’empire ottoman, au sud de Croïa.

Après ces quelque quatre-vingts kilomètres – qui seront suivis d’une semaine à contempler les forêts et montagnes du pays de la fenêtre d’une auto louée – je me fais la promesse de revenir explorer davantage les sentiers de l’Albanie, mais cette fois avec un vélo de bikepacking et des roues un peu moins lisses !