Les reines du monde (partie 2)

Est-ce possible pour une femme de voyager seule à vélo ? « Bien sûr que oui ! » m’ont répondu en chœur d’inspirantes cyclovoyageuses qui ont décidé de laisser flotter leurs cheveux aux quatre vents.

Cet article a d’abord paru dans l’excellent magazine Vélo Mag, édition septembre-octobre 2019.

La partie 1 est disponible ici.

 

Madeleine Bousquet : Expériences extraordinaires

Aminda (à gauche) a pris soin de Madeleine lors de son passage au Salvador.

Aminda (à gauche) a pris soin de Madeleine lors de son passage au Salvador.

Elle n’en est pas à son premier voyage. Dès la fin des années 1970, Madeleine Bousquet part seule avec son sac à dos pour l’Équateur et le Pérou. Puis ça a été les voyages de cyclotourisme en famille, avec ses quatre enfants. Quand ces derniers sont devenus adultes, la cycliste de Québec a simplement continué de voyager, mais cette fois seule, en partant d’un endroit déterminé pour revenir à vélo jusqu’à la maison. De Windsor, en Ontario (1600 km), en 2012, puis de Boston (1200 km) en 2015.

En 2018, juste après sa retraite, la jeune sexagénaire décide de prendre encore davantage son temps et de renouer avec la chaleur des gens et du climat latin. Pendant trois mois, elle parcourt ainsi la route de 2400 km entre Cancún, au Mexique, et le canal de Panama. En complète autonomie dans huit pays connus plus souvent pour leurs mauvais côtés.

« Il m’est arrivé d’avoir peur à cause de la façon de conduire des autres usagers de la route, m’a-t-elle confié. Mais c’est la même chose pour un homme. »

En fait, le sac d’histoires de Madeleine est bien plus rempli de bonnes que de mauvaises expériences. Comme lorsqu’un de ses essieux s’est brisé près du lac Érié, en Ontario, et qu’un couple l’a invitée avec plaisir chez eux, avant d’aller la reconduire jusqu’à l’atelier de vélo le plus près, à plus de 40 km de là. « Deux anges sur ma route », me dit-elle.

« Si j’avais écouté tous les prophètes de malheur qui me déconseillaient de partir seule en Amérique centrale, je serais passée à côté d’expériences extraordinaires. Alors ayez confiance en la vie et en l’humanité, et osez réaliser vos rêves », conclut Madeleine, positive.

Plus d’information sur le voyage en Amérique centrale de Madeleine sur son site.

 

Cloé Ando : Belle image d’espoir

C’est dans une ville-oasis d’Ouzbékistan que j’ai rencontré Cloé Ando il y a près de trois ans. La vingtenaire se promenait alors sac au dos avec sa mère et son frère, entre deux sessions universitaires en architecture. La vue d’un étrange voyageur à vélo sortant du désert l’aura marquée. Quelques mois plus tard, elle se lance à son tour. De sa France natale, elle se dirige vers l’est avec comme objectif lointain le Japon, d’où est originaire son père. « À dans deux ans... ou dans deux jours ! » lance-t-elle à sa famille à l’aube de son tout premier périple cycliste.

Presque 2 ans et 18 pays traversés plus tard, elle ne pourrait être plus heureuse de sa vie.

« À vélo, on vit la route, on ressent le pays et son climat, on s’immerge dans sa culture.»

Acceptant toutes les invitations, Cloé s’en sort même avec un étonnant budget quotidien de 3$ dans certains pays du Sud-Est asiatique !

« Les gens sur ma route s’inquiètent davantage pour les voyageuses. J’ai droit à énormément de conseils, d’avis, même de réprimandes parce que je voyage seule. »

« La route est longue, mais en vaut la peine.» Étonnant panneau que Cloé a croisé sur sa route dans le nord-est de l’Inde, à quelques jours de son arrivée en Birmanie.

« La route est longue, mais en vaut la peine.» Étonnant panneau que Cloé a croisé sur sa route dans le nord-est de l’Inde, à quelques jours de son arrivée en Birmanie.

Pourtant, Cloé s’adapte avec prudence à chaque culture. Elle ne pédale pas à la noirceur et ne campe pas seule en Inde, et tente le plus souvent de se faire inviter par des familles. Elle adapte aussi son habillement aux coutumes locales, en évitant les shorts en Turquie, par exemple. En Iran, elle portait même un voile à longueur de journée, y compris en pédalant, en plus de se couvrir jusqu’aux poignets et aux chevilles.

La jeune fille positive ne s’en formalise pas, au contraire.

« Les femmes des pays que je traverse m’aperçoivent à vélo, seule et libre, alors que beaucoup d’entre elles sont enchaînées à leur mari, leur champ, leur famille ou leur cuisine. Nous, les cyclovoyageuses, nous sommes leur plus belle image d’espoir. En un coup de pédale, un sourire, un mot, nous leur ouvrons de nouvelles perspectives, une nouvelle vision sur la condition de la femme. Et peut-être qu’un jour, elles aussi, inspirées, révoltées, elles se diront “Pourquoi pas moi ?”. »

On peut lire les aventures de Cloé sur Facebook.