Cyclotourisme : se jeter à l'eau

Que vous rêviez de faire le tour du lac Saint-Jean, de vous rendre en Gaspésie via une panoplie de voies asphaltées ou de traverser la cordillère des Andes, vos préoccupations sont probablement les mêmes que celles de la plupart des cyclovoyageurs : avoir le bon équipement, être assez en forme, connaître son chemin et savoir où s’arrêter. Voici quelques pistes pour faciliter votre préparation.

Cet article a d’abord paru dans l’excellent magazine Vélo Mag, édition août 2020.


Pédaler peu importe la monture

Plus que jamais, les familles de vélos semblent se multiplier pour chaque activité. Il peut être très facile d’imaginer qu’on ne possède pas la bonne bécane pour l’aventure rêvée. J’ai pourtant rencontré des cyclotouristes de partout dans le monde pédalant sur toutes les montures imaginables. Certains n’avaient aucune limite de budget avec leurs cadres de titane, d’autres roulaient sur des bécyks que je n’aurais pas pris pour aller à la grange ! Les Sud-Américains, particulièrement, peuvent partir à l’aventure avec le premier deux-roues trouvé. Cet argent économisé leur permet souvent de partir plus rapidement et plus longtemps.

Jimmy Alexander Cuellar Bonilla, de Colombie, rencontré à Santa Rosa, au Pérou.

Jimmy Alexander Cuellar Bonilla, de Colombie, rencontré à Santa Rosa, au Pérou.

Différents matériaux ont la réputation d’offrir plus ou moins de confort ou de légèreté. En pratique, la différence entre l’acier, l’aluminium, le titane ou le carbone est assez négligeable lorsqu’on traîne avec soi plusieurs kilos de bagages. Les poignées, la selle et sa tige auront toutes une bien plus grande influence que le cadre.

Il est cependant possible de modifier un vélo que vous possédez déjà pour le rendre un peu plus apte au voyage. La potence d’un routier peut être changée ou tournée de bord de manière à élever la position de pilotage. La fourche à suspension d’un vélo de montagne pourrait aussi être remplacée par une rigide dans le but de conserver son énergie et de permettre d’installer des sacoches à l’avant. Un vélo de carbone pourrait aussi être utilisé pour des voyages sur route en lui adjoignant une remorque qui se fixe grâce à l’attache rapide ou l’axe traversant de la roue arrière.

La récente offre des vélos de gravelle est aussi particulièrement intéressante. En raison de leurs pneus plus larges et de leur capacité à surmonter la plupart des obstacles, ceux-ci sont assez polyvalents pour rouler rapidement près de la maison, mais permettent également de les charger de bagages pour partir à l’aventure.

Si vous possédez un guidon droit, envisagez d’installer des poignées offrant un bon soutien pour vos paumes ainsi que des cornes aux extrémités. Cela vous donnera davantage de points d’appui et vous assurera plus de confort sur les longues distances. Dans le cas de guidons de route, vous pouvez ajouter pour la même raison des coussinets rembourrés sous la guidoline, ou bien enrouler une épaisseur supplémentaire de celle-ci.

Peu importe la destination, l’essentiel est de se lancer. Ici, autour des falaises après Entre Rios en Bolivie.

Peu importe la destination, l’essentiel est de se lancer. Ici, autour des falaises après Entre Rios en Bolivie.

Choisir les bonnes sacoches

Qui dit voyage à vélo dit généralement transport de bagages. La méthode de loin la plus commune est un support arrière sur lequel on accroche deux sacoches. La remorque est une option plus encombrante que je recommanderais si vous partez en complète autonomie pour plusieurs jours sans ravitaillement, ou si vous possédez un vélo en carbone sans point d’ancrage pour un support à bagages.

Le choix des sacoches est selon moi encore plus important que celui du vélo. Il n’y a (presque) rien de plus désagréable que de trouver son sac de couchage et ses vêtements mouillés à la fin d’une longue journée.  Un tissu imperméable en tout temps vaudra mieux qu’une housse à ajouter et enlever à chaque goutte de pluie, et protègera également bien plus. Testez cette imperméabilité avec un boyau d’arrosage ou dans la douche avant de partir. Pour une protection accrue, apportez quelques sacs à ordures. Un vaporisateur hydrofuge pourra aider, sans toutefois faire de miracles.

Si vous prévoyez quitter l’asphalte, même temporairement, ou partir plus longtemps avec des sacoches plus lourdes, un porte-bagages de plus grande qualité vaudra son pesant d’or. Il sera peut-être un peu plus lourd mais vous apporterez une tranquillité d’esprit et vous durera presque votre vie.

Sacoches Arkel

J'ai récemment complété un article et une vidéo où je compare les populaires sacoches Ortlieb et Arkel. Bien que j'aie roulé des dizaines de milliers de kilomètres sur les premières, je recommande maintenant davantage la compagnie québécoise pour la plupart des voyages.

Si vous êtes intéressés à vous procurer des Arkel, j’ai quelques liens affiliés pour des Orca 25, Orca 35 et Orca 45.

 

S’habiller comme on l’entend

En voyage, avec une selle un peu plus large et coussinée, j’ai réalisé que je préférais porter de simples shorts de sport plutôt qu’un cuissard. J’en apprécie la rapidité de séchage, l’odeur moins « sportive » en fin de journée et le fait de pouvoir faire une visite touristique sans avoir à me changer. J’enfile également un chandail de vélo un peu ample, pour ses pratiques poches arrières et la fermeture éclair à l’avant.

Cela dit, j’ai croisé sur la route autant des cyclistes vêtus entièrement de Lycra que d’autres ne portant que du coton.

 
Avec mon frère, Sacha, en Bulgarie.

Avec mon frère, Sacha, en Bulgarie.

Inviter des amis

Si le fait de partir seul vous inquiète ou vous intéresse moins, parlez-en à votre entourage. Vous pourriez être surpris du nombre d’amis qui voudraient vous accompagner !

 

Ralentir et explorez

Rencontre avec des ouvrier de la voirie à Cruce Culta, Bolivie.

Rencontre avec des ouvrier de la voirie à Cruce Culta, Bolivie.

Ce n’est pas parce que vous pouvez rouler 100 km en peloton la fin de semaine que vous devriez faire la même chose en voyage. Surtout avec le poids des bagages. Il est aussi plus agréable d’avoir du temps à l’horaire pour s’arrêter, manger, parler et visiter. Contrairement à une course, la cadence tranquille du voyage ne nécessite pratiquement aucun entraînement préalable.

À vélo, presque toutes les routes peuvent se révéler intéressantes. Bien que ce soit cliché, il est vrai que l’important est rarement le point d’arrivée mais plutôt le chemin pour s’y rendre. Prévoyez donc des distances plus courtes et laissez-vous le loisir de changer vos plans.

Profitez du moment présent. Forcez-vous à regarder autour dans le but de dénicher de beaux points de vue à photographier. Prenez des photos de votre nourriture, de vos moments de souffrance comme d’euphorie, des gens que vous rencontrez.

Ma plus courte distance en une journée a été de moins de 2 km après avoir accepté une invitation à manger puis à dormir chez un pasteur argentin, père de 7 enfants ! Les meilleurs souvenirs sont rarement planifiables.

Coucher de soleil à Colón, Argentine.

Coucher de soleil à Colón, Argentine.

Apprendre une base de mécanique

Réparation d’une crevaison à Caetano Mendes, au Brésil.

Réparation d’une crevaison à Caetano Mendes, au Brésil.

Nul besoin d’obtenir son niveau 48 de technicien vélo avant de partir. Toutefois, connaître quelques rudiments de la mécanique s’avérera utile. Savoir changer une crevaison est probablement le plus important. Apportez une ou deux chambres à air de rechange avec vous, ainsi qu’un paquet de rustines autocollantes. Celles-ci nécessitent quelques minutes de plus pour localiser le trou et ensuite le réparer, mais prennent une fraction de l’espace et du poids dans une sacoche. Vous pouvez aussi en coller une à l’intérieur du pneu pour plus de protection pendant la réparation.

Quelques outils et articles vous permettront d’effectuer vous-même d’autres petites réparations : un multioutil qui comprend des clés hexagonales, un levier démonte-pneu, une petite pompe, une maille de chaîne de surplus ainsi qu’un ou deux rayons (de la bonne longueur !) juste au cas.

 

Planter sa tente

Une des meilleures façons d’apprécier la nature et les territoires traversés est de camper, le soir venu, sur un terrain officiel ou pas. J’ai de nombreuses fois demandé à des agriculteurs ou simplement des propriétaires qui étaient à l’extérieur de leur maison si je pouvais m’installer sur leur terrain. Se renseigner avant de planter ses piquets enleve de l’inquiétude des deux côtés et évite une visite policière en pleine nuit. L’autorisation est même souvent suivie d’un repas !

Les casernes de pompiers ou les postes de police, les salles communautaires, voire les terrains d’églises, sont autant d’endroits où il est possible de causer et de s’arrêter. Parce que c’est différent, voyager à vélo suscite la curiosité des gens qui nous voient arriver dans leur quotidien. Nous sommes généralement tranquilles, loin d’être menaçants et représentons la liberté. Vous serez surpris du nombre de portes qui s’ouvriront à vous.

Camping sous la Voie lactée sur la Carretera Austral, au Chili.

Camping sous la Voie lactée sur la Carretera Austral, au Chili.

Ne pas perdre le Nord

Pour me diriger, j’utilise une combinaison des applications Google Maps et Maps.me. Dans les deux cas, il est possible de télécharger les cartes d’avance, ce qui permet de limiter l’utilisation d’internet ou de dépanner lorsqu’il n’y a pas de réseau.

Vous pourriez également créer un partage de position avec un ami ou un membre de la famille comme précaution supplémentaire.

Partir maintenant

Tous ces conseils n’ont réellement qu’un seul objectif : vous faire réaliser qu’un voyage cycliste est beaucoup plus facile qu’on pense.

Peu importe l’équipement ou la préparation, il suffit simplement de se lever, de pédaler, de manger, et de recommencer à nouveau.

La destination non plus n’est pas si importante. Qu’on explore les sentiers autour de chez soi ou à l’autre bout du monde, la découverte du paysage de l’autre côté d’une montée, la récompense culinaire en fin (ou en milieu !) de journée ainsi que les multiples rencontres des gens attirés par nos sacoches offrent le même plaisir.

Toutes les peurs ou inquiétudes qu’on peut ressentir avant le départ disparaissent généralement dans l’allégresse et la liberté des premiers coups de pédale. En un mot comme en un article : le meilleur moment pour vivre des aventures est maintenant.

Il faut savoir s’arrêter pour casser la croûte. Ici, au restaurant Machaoamaroa, en Bolivie.

Il faut savoir s’arrêter pour casser la croûte. Ici, au restaurant Machaoamaroa, en Bolivie.